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dimanche 8 décembre 2013

Se faire reprocher d'être probe?


article précédent: Pravda, perestroika, Alotta Fagina



« La passoire reproche à l’écumoire d’avoir des trous. »
Proverbe persan



Bonjour à toutes et tous!


Aujourd’hui, on va encore se faire une livraison de dérivés de cette confondante racine proto-indo-européenne qu’est *per-1.


Nous l’avions découverte à l’occasion de demain matin.


Et puis, nous lui avions consacré deux articles à elle toute seule:
Jouons un peu avec *per-1
et enfin:
Pravda, perestroika, Alotta Fagina


Cette racine ébouriffante est à l’origine de mots vraiment - d’apparence - dissemblables; et c’est bien ça qui lui donne tout son charme!

En ce dimanche, commençons par …

Je vous donne la définition du mot à trouver, puis son étymologie, et puis enfin le mot lui-même!

Ancienne unité de mesure de longueur”.
Ce mot, adjoint de “carré”, peut signifier également une unité de mesure de superficie.
L'unité toujours respectée sur le terroir était autrefois variable selon les contrées agraires.


Une forme allongée et suffixée de la racine *per-1 au degré zéro: *pr̥ə-i- a donné le proto-celtique
*(a)ri, ou *are.

Sur lui s’est construit le gaulois ari/are: “avant”.
Le mot gaulois se retrouve dans le composé latin arepennis - on ne sait hélas pas bien d’où provient le second élément (non, rien à voir) - qui devait signifier à l’origine l’extrémité, le bout, mais finit par désigner une surface.
Il aurait également pu indiquer la distance de portée d'une flèche.

Du latin, le mot est repassé en français, pour donner …

arpent!

Même si en tant que tel il n’est plus guère usité sinon dans nos campagnes, nous connaissons toujours arpenteur, arpentage, ou même le verbe arpenter, aux sens multiples.

Arpenteur
 et...

Arpents


Allez hop, un autre:

Employé chargé de s'occuper des chevaux. Il se charge du nettoyage des écuries et des soins quotidiens aux chevaux: nourriture, pansage, surveillance des poulinages, soins vétérinaires élémentaires…


Une autre forme allongée de *per-1: *pr̥əa-, celle-là même à l’origine de l’anglais “before”: devant, avant, a donné le grec παρά, para: à côté, le long de, au-delà.

πάριππος, parippos, c’était le “cheval mis de côté”: le cheval de réserve!

Le gaulois *verēdos, quant à lui, désignait un cheval de selle, ou plus précisément un coursier...

Ces deux mots πάριππος et *verēdos se sont réunis dans le latin tardif paraverēdus, nom donné aux chevaux des relais de poste.

Le vieux français a fait évoluer le mot en … palefroi

Palefrois

Le palefroi, durant le Moyen Âge, est un type de cheval de grande valeur utilisé pour la selle, par opposition au destrier, la monture d'un chevalier, une monture de guerre, donc.

Et donc OUI, le mot à trouver était… palefrenier!

Palefrenier


Notons également que “palefroi” se rapproche du mot allemand désignant le cheval (de tout type): Pferd, tous deux descendants du latin paraverēdus.




Le rapport entre la proximité et le reproche?

Oh ben, tout s’éclaire par la racine *per-1:

Proximité, approcher, rapprochement ou reprocher, tous nous viennent, par le latin prope: presque, près de, de l’adverbe suffixé *pro-kʷe-, basé sur notre racine *per-1, cela va de soi.

Reprocher, du latin populaire repropriare, dérivé de prope et reprenant le préfixe à valeur intensive re-, signifie étymologiquement “rapprocher”: entendez: “mettre sous les yeux”!

Ce que je te reproche? Mais CA, là, ce que je te mets sous les yeux”.




Et le rapport entre la preuve, la probabilité, la probité, la probation et l’anglais probe ("enquête, sonde, fouille …")???

Mmmh?


Tous nous arrivent du latin prŏbo: prouver.

Prŏbo se basant sur probus: bon, habile, probe.

Si probus signifiait “bon”, prŏbo signifiait “vérifier que c’est bon”, en d'autres termes: “valider”.

C’est ainsi que prŏbo pouvait vouloir dire par extension recruter, enrôler dans l’armée, car cet enrôlement avait eu lieu du fait que le candidat ait été jugé apte au service militaire.

La probabilité, c’est l’apparence de vérité: la vérité, mais pas encore prouvée!
Probable, c’est étymologiquement du moins, “ce qui peut être prouvé”…

Le latin probus est construit sur le composé proto-indo-européen *pro-bhw-o-, qui évoque les notions de “bien grandir”, ou “de façon directe” (“sans artifice”).
C'est cette dernière notion de "franchise", d'"aller de l'avant" - que nous avions par ailleurs déjà retrouvée dans "preux" - qui s'est transmise au latin probus.


Nicolas Cage est un vampire, en voici la preuve
(minutebuzz.com)




Bon dimanche à toutes et tous, et …

A dimanche prochain!

Avec, OUI, encore de la descendance de *per-1 à traiter...




Frédéric

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