- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 31 août 2014

m-moi, b-bu? M-mais j-je r-reviens d-d'un c-c-col.. colloque!!??


article précédent: l'affaire de la racine perdue



Nunc est bibendum

"Maintenant, il faut boire"

Horace, 
Odes, Livre premier, ode XXXVII, première ligne


* - * - * - *

"There will be no foolish wand-waving or silly incantations in this class. As such, I don't expect many of you to appreciate the subtle science and exact art that is potion-making. However, for those select few... Who possess, the predisposition... I can teach you how to bewitch the mind and ensnare the senses. I can tell you how to bottle fame, brew glory, and even put a stopper in death."

Professor Snape, in Harry Potter, J.K. Rowling


* - * - * - *

Here's what happened

"Voilà ce qui s'est passé"




Bonjour à toutes et tous!

Dimanche dernier, nous avions recherché - péniblement - l’étymologie du mot philtre.
Car oui, nous sommes toujours à nous intéresser à la Magie et aux magiciens.


Aujourd’hui dimanche 31 août de l’an de grâce 2014, nous en sommes - si je compte bien - à notre quatorzième article de cette grande série…

Le philtre, pardi, c’est une potion magique!

Eh bien, partons de là, et intéressons-nous au mot français… potion!

Il y aura, je le pense, quelques petites surprises à la clé…
Poum poum poum…



Une potion, selon le Larousse, c’est une “préparation aqueuse et sucrée contenant une ou plusieurs substances médicamenteuses, destinée à l'usage interne”.

Certes! Mais dans les contes, la potion est souvent … magique, et possède des pouvoirs extraordinaires.

Ainsi, dans une version de Cendrillon, ses sœurs (à Cendrillon) lui administrent une potion soporifique pour l’empêcher de se rendre au palais où le prince doit choisir une épouse.

C’est également une potion qui permettra à la Reine, dans Blanche-Neige, de se transformer en vieille marchande pour se rendre au logis des nains…

La reine déguisée en marchande (copyright)


Bon d’accord, il y a aussi la potion magique du Druide Panoramix.




Et Potions est un cours obligatoire à la Hogwarts School of Witchcraft and Wizardry.
Le Professeur Severus Snape en fut d'ailleurs le titulaire pendant plusieurs années.

Severus Snape devant sa classe


Le français potion (originellement pocion), mot du XIIème ou du XIIIème siècle, comme souvent, nous arrive du latin.
Ici précisément, de l’accusatif potionem du latin pōtiō: boisson, breuvage.

Dans sa célèbre quadrilogie Dialogorum libri quatuor de vita et miraculis patrum italicorum et de aeternitate animorum, que, je ne sais pas pourquoi on persiste à nommer Dialogues, le pape Grégoire 1er (540 - 604) définit pōtiō comme un «médicament liquide destiné à être bu».

Grégoire Ier, dit le Grand


Quant à notre pōtiō latin, il nous arrivait - évidemment - d’une racine proto-indo-européenne:

*pō(i)-


Qui signifiait tout simplement: boire.


Le pōtiō latin provenait précisément d’une forme suffixée *pō-ti- basée sur la forme simple, non allongée de notre racine *pō(i)-: *pō.

C’est sur cette même forme proto-indo-européenne que s’est construit, toujours via le latin pōtiō, le français… poison!

On fait remonter le mot à la deuxième moitié du XIème siècle, où il désignait une boisson, sans plus.
Ce n’est que plus tard qu’il en viendra à désigner une boisson ... euh... empoisonnée.

Savez-vous que l’on parlait de LA poison?
Eh oui, le latin pōtiō, potionem, c’était un féminin!

D’ailleurs, ne dit-on pas toujours LA boisson?

Boisson, tout comme potion et poison, provient de ce même latin pōtiō


C’est cette fois à partir d’une forme suffixée de *pō(i)-: *pō-to- que s’est créé le latin pōtus: bu, boisson, voire “ivre” sur lequel se base le verbe pōtāre: boire.

Sur pōtus, nous avons bien entendu créé le français … potable.


Sur une autre forme suffixée de notre proto-indo-européen *pō(i)-: *pō-tlo-, qui désignait le récipient à boire, nous retrouvons encore le sanskrit पात्र, pAtra: le récipient à boire, le gobelet, la coupe, le bol


Et puis, c’est à une forme dupliquée au timbre o de notre racine *pō(i)-: *pi-pə-o-, qui deviendra *pi-bo-, assimilée à *bi-bo-, que nous devons les français imbiber, boire, beuverie, ou le métathésique breuvage, tous provenant du latin bĭbĕre: boire.


- Et bière?
- Mmmh? Ah oui, bière!

Mouais. Eh ben, c’est pas si simple…

C’est vrai que souvent, on fait remonter le français bière au latin bĭbĕre.
Mais bon, on peut se permettre de douter…

A mon sens le mot bière viendrait plutôt des langues germaniques.

Voilà ce qui s'est passé! (J’adore Monk)

Adrian Monk


Le mot bière proviendrait du vieux français bière, d’origine germanique.

Difficile d’affirmer précisément d’, mais on suppose qu’il provient ...

  • soit du moyen néerlandais bier ou bēr, provenant lui-même du vieux saxon bior
  • soit du vieux haut-allemand bior.


Dans tous les cas, le mot serait issu du proto-germanique *beuzą (“bière”), qui dériverait de la racine proto-indo-européenne *bews-, désignant le déchet, le sédiment, ou - pour ce qui nous intéresse ici - la levure du brasseur!

Nous retrouvons notamment les cognats de bière dans le néerlandais ou l’allemand bier, l’islandais bjór, le suédois buska (“nouvelle bière”), ou encore dans l’anglais argotique booze, désignant d’une façon générale des boissons alcoolisées, des spiritueux


Mais bon, revenons à notre *pō(i)-!

On n’en a pas encore fini avec elle…

Car, même si *pō(i)- ne nous a pas transmis le mot bière, elle a bien transmis son équivalent en russe: пиво (“pivo”), la bière.

C’est encore elle qui est derrière le verbe boire en russe: пить ("pit'") ; ces deux mots пиво (“pivo”) et пить ("pit'") nous arrivant de *pō(i)-, je ne le vous cacherai pas, par le vieux slavon d’église пити (“piti”).


OUI, toujours *pō(i)-, via une forme suffixée *pī-ro- basée sur sa forme au timbre zéro: *pī-, à l’origine des russes пиро́г ("pirog"), ou пирожки ("pirochki"), cette fois par le vieux slavon d’église *pirŭ: le festin, le banquet, les festivités…

"Fish pie" by Shuvaev - Own work (own photo)


Et c’est encore *pō(i)- qui apparaît derrière le sanskrit पिबति, píbati: boire, siroter, absorber…


Enfin, une forme suffixée nasalisée de *pō(i)-: *pī-no-, nous a légué le grec πίνειν, pīnein: boire.

En notant qu’à Lesbos - ouf, il fait drôlement chaud tout d’un coup, non?? - le grec πίνω, píno "boire", "descendre", se disait πώνω, pṓnō.

Au grec “bu” correspondait donc le lesbien “descendu”.


Cécile Sorel
En 1933, elle lance le fameux
« L'ai-je bien descendu ? »
au pied de l'escalier Dorian du
Casino de Paris, phrase qui lui restera
pendant longtemps associée.
(copyright)

Oui, je sais, c'est lamentable.


Du grec πίνω, píno, nous utilisons toujours, en biologie cellulaire, pinocytose - composé de pino-, de cyte (cellule) et du suffixe "-ose" indiquant la destruction ou la mort - désignant un type d’endocytose, en d’autres termes un mécanisme de transport de molécules ou de particules (virales, bactériennes, etc.) vers l'intérieur de la cellule.


Nous sommes en grec? Restons-y!

Car le plus beau - et peut-être le plus improbable -  des dérivés de la proto-indo-européenne *pō(i)-, c’est au grec que nous le devons:

Symposium!


Eh oui! Symposium nous arrive du grec ancien συμπόσιον, sumpósion, littéralement “fête à boire”, de συμπίνω, sumpínō: “boire ensemble”, se décomposant en συν-, sun-:ensemble” et πίνω, pínō, forcément: “boire”.


Symposium



- Eho! Et ton titre?? Quel rapport avec colloque?
- Mais je n'allais quand même pas déjà révéler symposium dans le titre, non? Colloque ça passait mieux...


PS: le mot "bière" dans diverses langues européennes, sur mon board Pinterest:
http://www.pinterest.com/pin/57702438951455668/


Je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche, et une TRES bonne semaine!


A dimanche prochain?





Frédéric


dimanche 24 août 2014

l'affaire de la racine perdue


article précédent: Vanniers, Harry Potter et Romains



"I see dead people."

Cole s'adressant au docteur Malcom Crowe, dans The Sixth Sense,
M. Night Shyamalan, 1999


I see dead people.













Bonjour à toutes et tous!

Pour moi, les vacances se terminent…
Lundi, c’est la rentrée!

Mais bon, vous n’êtes pas là pour m’entendre gémir sur mes difficultés à reprendre le travail ; passons aux choses sérieuses!


Nous sommes toujours au coeur de notre grande série Magie et magiciens.

En ce dimanche, je vous propose de nous intéresser à une boisson.
A laquelle on attribue des vertus miraculeuses.

Cette boisson, cette potion magique, aurait la particularité, par exemple, d’inspirer l’amour
Vous voyez de quoi je veux parler?

Oui!! Du … philtre.

Avec ph.

D'ailleurs, c'est pas difficile - les aquariophiles ne me contrediront certainement pas - : en plaçant du concentré d'extrait de tourbe dans le filtre d'un aquarium (avec un f), on en diminue le pH.
Ahaha.


Le français philtre nous arrive du latin philtrum.

De quelle époque le mot date-t-il? Oh ben en tout cas on retrouve le terme dans un document de justice de février 1381, cité par ce bon Charles Adrien Desmaze dans son ouvrage Les pénalités anciennes - Supplices, prisons et grâce en France, d'après des textes inédits, publié dans les années 1860.




(Euh oui, il faut dire que (ce bon) Charles Adrien Desmaze, né en 1820 et mort en 1900, fut juge d’instruction au tribunal de la Seine, puis chef de division au ministère de l’intérieur, et même conseiller à la cour impériale de Paris.)

Et donc, dans son ouvrage, Charles Desmaze cite des archives de justice de février 1381, dont voici un extrait, qui reprend la première occurrence connue de philtre en français:
"Rémission accordée à Jehannette de l'Ospital de Lyon, lingère à Paris -, laquelle avait consulté un juif nommé Bonjous, lequel, après avoir vu son urine, lui avoit donné un philtre pour le porter sur elle, à l'endroit de son ventre, quant elle auroit acolé l'homme qu'elle aimoyt."

Et le latin philtrum "potion d’amour" - vous vous en doutez par le ph - nous arrivait du ... grec.

Le grec ancien φίλτρον, phíltron, “charme d’amour”, se serait traduit littéralement par “se faire aimer”, car se composant de φιλέω, philéôaimer ») et du suffixe instrumental -τρον, -tron.


τρον


Quant à φιλέω, philéô, il n’était que le dénominal de φίλος, phílosami, aimé, chéri »), et pourrait se traduire par aimer d’amitié, traiter en ami


Et ce phílos grec exprimant la notion d’amour, i' vient d’où hein le kiki??

Eh oui!

Du proto-indo-européen ma bonne dame!

Précisément de la racine proto-indo-européenne …

*bhili- (ou *bhilo-),


à laquelle s’attachaient des notions telles que la bonté, l’amitié, l’harmonie


*bhili- version IKEA


Bon, ici, je me dois de préciser que Carl Darling Buck (c’est vraiment son nom, c’est pas que j’ai un penchant particulier à son égard), 1866 - 1955, grand linguiste américain, pensait plutôt que la racine *bhili- ne provenait pas du tronc commun syndical indo-européen, mais, plus récente, était issue des langues anatoliennes

Carl Darling Buck
(Copyright:
University of Chicago Photographic
Archive
)


Et puis, tant qu’à faire, je dois aussi vous faire part de mes doutes.

Car Watkins, auteur de ce formidable dictionnaire: “The American Heritage dictionary of Indo-European Roots" sans qui, vous le savez, il n’y aurait très probablement pas de dimanche indo-européen, ne reprend pas la racine!!!

Il ne la mentionne pas, n’en parle simplement pas, comme si elle n’existait pas.
Pourtant, elle est bien présente chez son aîné le grand Pokorny, avec le numéro d’index 153 pour tout vous dire.
(ce numéro correspond en fait à la page où apparaît la racine dans son ouvrage fondateur Indogermanisches etymologisches Wörterbuch, traduit en anglais sous un titre plus... , euh disons, ouvert, consensuel?Indo-European Etymological Dictionary.)



Alors, finalement, que penser??

Watkins était-il convaincu que cette racine était incorrecte, infondée?
Ou qu'elle provenait bien des langues anatoliennes, et non de l'indo-européen commun? Pourtant, quand Watkins épingle une racine non commune à toutes les langues indo-européennes, il la cite, mais précise alors son origine tardive.

les langues anatoliennes attestées durant la première moitié
du Ier siècle avant J.- C.

Anatole


Souvent, il (Watkins! On s'accroche) annote les racines découvertes par Pokorny, les revoit, les corrige ou les précise …
Mais dans le cas présent, rien!

R  -  I  -  E  -  N


AUCUNE mention de cette racine dans son prodigieux dictionnaire!!


Je vous l'avoue, ce dimanche m'a demandé pas mal de recherches, m'a confronté à pas mal de dilemmes.
Pour être clair il a carrément même failli ne pas voir le jour, du moins avec cette racine comme sujet...


Heureusement, *bhili-, je l’ai retrouvée chez quelques autres: elle est reprise sur le site de l’excellent Linguistics Research Center de l’Université du Texas à Austin, tout comme elle apparaît dans “A Grammar of Modern Indo-European” par Carlos Quiles et Fernando Lopez-Menchero.

Enfin, Ali Nourai la traite dans son imposant ouvrage “An Etymological Dictionary of Persian, English and Other Indo-European Languages”. (un superbe bouquin en deux volumes, avec PLEIN de tableaux graphiques - ici je m'adresse à toi Françoise!)

Hélas, pour Rendich - que j'apprécie également beaucoup -, le φίλος, phílos grec viendrait d'une tout autre racine: *dhē- (lui la retranscrit *dhi-), dont l'un des sens était "donner de l'affection, nourrir ...".
[La très intéressante *dhē-, nous l'avons déjà rencontrée: elle est à l'origine du français fils: voir Un gars, une fille]
Mwouais... D'après mes connaissances - bien limitées!! - des lois de transformation des consonnes proto-indo-européennes, un *dh donne généralement un th en grec, pas un ph...



*bhili- the Kid


Bref!

En résumé, j'ai quand même ici trois très bonnes sources que je considère assez fiables, qui plus est récentes, qui semblent corroborer la piste Pokorny.

Le seul reproche que je pourrais leur faire, à ces si bonnes sources?
Parfois - ou souvent? - ces sources sont plus des compilations que des travaux originaux.
Il se peut donc que les informations qui y sont reprises soient tout simplement incorrectes à la base.

Notez, je l'avoue sans honte, c'est comme ça aussi que je travaille, bien sûr!
Je n'invente rien, je ne découvre pas, hélas, de nouvelles racines!!!: je recherche et compile, et, éventuellement, choisis - à tort ou à raison - de partir dans une direction ou une autre ; je choisis de faire confiance à une théorie, voire à un linguiste.
Disons que mon boulot, qui s'apparente nettement à de la vulgarisation, se borne à rendre la linguistique comparative proto-indo-européenne plus digestible ...

Et Calvert Watkins est pour moi une autorité, car tout en reprenant le fruit des recherches de l'incontournable Julius Pokorny, il profite des évolutions plus récentes de notre connaissance du proto-indo-européen, et n'hésite pas lui-même à mouiller sa chemise et nous donner les résultats de ses propres recherches, quitte même à invalider - à de rares exceptions - celles de Pokorny, qui restent encore et toujours une référence (c'est d'ailleurs très souvent le n° de page du magistral dico de Pokorny qui sert de numéro d'index universel aux racines proto-indo-européennes!).


Une (super) chouette photo de feu Calvert Watkins


Désolé de m'être ainsi étalé...

Mais maintenant, vous savez tout.

Et vous comprenez aisément mon malaise devant l'absence de cette racine dans le dictionnaire de Watkins.

(copyright)
(copyright)




Je pense, je crois, je suppose que *bhili- est bien à l’origine de φίλος, phílos, et a fortiori du français philtre, mais voilà, le doute subsiste.

Une seule racine vous manque, et tout est dépeuplé.


Les voilà, mes sources "papier", auxquelles s'ajoutent quelques e-books
(Rendich, Pokorny) et sites Internet, notamment celui du CNRTL, le
Online Etymology Dictionary, le LRC, l'OED, le spokensanskrit.de et
même - avec des pincettes - le Wiktionary (souvent mieux fichu que sa
version française)

(vous trouverez la liste quasi complète de mes sources dans l'onglet
très intelligemment et judicieusement nommé les sources, dans le menu du blog)


Et tant qu'à faire, voilà mon antre sous les toits, en mode dimanche
indo-européen


Quoi qu'il en soit, le grec ancien φίλος, phílos « ami », nous l’avons utilisé à profusion sous la forme du préfixe philo- ou du suffixe -phile.

Quelques exemples? (et je n’invente rien)
  • adultophile: attiré sexuellement par les adultes (!)
  • platokaolinophile: qui collectionne les assiettes en faïence.
  • puxisdiphteraniepceophile: collectionneur de photos de boites aux lettres.
  • spermophile: eh non! Désigne simplement une des espèces de rongeurs terrestres de la famille des écureuils qui aiment les graines.

spermophile, probablement à la recherche de glands et de
noisettes


Mais nous devons aussi à φίλος, phílos le nom de cette grande ville américaine, la cité de l’amour fraternel: Philadelphia, composé de φίλος, phílos et de ἀδελφός, adelphos: frère.

Nous avions déjà parlé de la racine proto-indo-européenne *gʷhelbh- à l’origine de adelphos: relisez donc de la Matrice au gratin dauphinois.


Philadelphia

Philadelphia


N’oublions quand même pas que Philadelphie était avant tout une ancienne cité lydienne, en Asie mineure.

En Anatolie, comme par hasard...

"Anatolian Metropolises 1880" by Self

Wikipedia nous raconte qu’elle fut fondée en 189 av. J.-C. par le roi Eumène II de Pergame.
Eumène II nomma la ville en l'honneur de son frère et futur successeur, Attale II (159-138 av. J.-C.), dont la loyauté lui valut le surnom « Philadelphos », littéralement, « qui aime son frère ».



Enfin, certains attribuent la parenté du suffixe latin -bilis / -ābilis à notre brave *bhili- ; suffixe latin devenu le suffixe français -able ou -ible.

Le latin -bilis exprimait la capacité ; on supposerait, selon cette théorie, qu'à l'origine, il signifiait littéralement "bon à"...

Ca peut paraître un peu tordu, mais selon Pokorny, l'allemand billig (bon, juste, moral) descendait également de *bhili-, par le proto-germanique *biliz: gentil, doux, clément.

Mais ici - OUF -, Watkins revient à mon aide:
Car pour Watkins, ce suffixe latin -ābilis / -bilis provient non pas de *bhili-, mais bien d'une racine suffixe *-tro-,  dont une forme en -i basée sur une variante *-dhro- qui aurait donné *-dhli- (euh, vous me suivez?), serait ainsi devenue le -ābilis / -bilis latin...

Enfin, et pour en revenir au proto-germanique *biliz et à Pokorny: selon lui en descendait aussi le vieil anglais bilewit: simple, innocent, sincère.

Oui, me direz-vous, mais on s'éloigne de l'idée d'amour, d'amitié!?
Certes vous répondrai-je, mais rappelez-vous qu'un des sens retrouvés de la racine évoque l'harmonie.
D'où par extrapolation, la justesse, la bonté, la moralité...

C'était en tout cas ce que défendait Pokorny.

Peut-être que Watkins, tout comme moi - je dois bien en convenir -, s'est retrouvé dubitatif, perplexe, voire circonspect devant cette construction théorique, et a tout simplement préféré ne pas la reprendre, et zapper la racine dans son intégralité?



Nous en resterons là...
Si vous en savez plus, contactez-moi!


- Eh oh mon coco! Mais pourquoi cette citation du Sixième sens en exergue??
- Mais parce que l'action du film se déroule à Philadelphie, voyons!





Et voilà, le dernier dimanche des vacaaaaaaances!!!!!!!!!

Pfff...


Allez, passez donc un TRES bon dimanche, une excellente semaine, et…

A dimanche prochain!




Frédéric


dimanche 17 août 2014

Vanniers, Harry Potter et Romains


article précédent : Vaccin? Bacilles en débâcle




 

Oh well, I'm the type of guy who will never settle down
Where pretty girls are well, you know that I'm around
I kiss 'em and I love 'em 'cause to me they're all the same
I hug 'em and I squeeze 'em they don't even know my name

They call me the wanderer
Yeah, the wanderer
I roam around, around, around

(...)


"The Wanderer", par Ernie Maresca, et enregistré par Dion.



Yeah I'm the wanderer
Yeah, the wanderer
I roam around, around, around....

Oups, vous êtes là !
Euh.... Bonjour à toutes et tous !



Toujours plongés dans notre série Magie et magiciens, et toujours intéressés par les instruments emblématiques des clairvoyants et autres sorciers, nous poursuivons en ce dimanche avec un mot anglais, bien connu de celles et ceux qui ont lu Harry Potter dans le texte, et qui est tout simplement le pendant anglais du mot de la semaine dernière: baguette.


En anglais, la baguette magique, c’est la magic ... wand.


Un mot anglais, certes, mais qui débouchera sur un mot français dont la parenté avec l’anglais wand est surprenante. Mais je n’en dirai pas plus pour l’instant…

Harry Potter et sa baguette magique



Alors, wand !

Wand, c’est la baguette, le bâton, ou même, plus particulièrement, la branche, la tige de saule.
Oui, vous savez, cette branche si souple qu’elle est utilisée pour fabriquer des paniers

Des paniers en osier.



Oui, l’osier, c’est une espèce de saule: le saule des vanniers, l’osier vert, Salix viminalis.

le saule des vanniers


le saule des caravaniers



L’anglais wand nous vient du vieux norrois vöndr, qui se traduirait par quelque chose comme brindille souple.
Le vieux norrois vöndr, quant à lui, descend du germanique *wanduz, qui désignait notamment le bâton, ou même une clôture faite de branches.

Et bon, oui bien sûr, *wanduz provient d’une racine proto-indo-européenne :

*wendh-


A *wendh- n’était pas vraiment attachée la notion de “baguette”, de “bâton”.
Non non, sémantiquement, *wendh- correspondait à tourner, enrouler, ou même tisser.


Comprenez donc bien que derrière l’anglais wand ou le vieux norrois vöndr il y a étymologiquement l’idée de souplesse.
Souplesse grâce à laquelle les branchettes, les tiges peuvent être travaillées, torsadées dans des ouvrages de vannerie


C’est d’ailleurs cette idée que nous retrouvons dans l’anglais to wind ((s’)enrouler, serpenter, bobiner…).

Ce verbe anglais wind a toujours comme lointain ancêtre *wendh-, mais cette fois c’est par le proto-germanique *windana qu’il nous en arrive, en passant par le vieil anglais windan, ƿindan, puis le moyen anglais winden.

A winding road, c'est une route sinueuse...



Paul McCartney - The Long And Winding Road



- Ouais… Et l’allemand Wand alors : en allemand, Wand c’est le mur ! Rien à voir fieu !
- Bonjour ! A première vue certainement ! Mais il vous suffit de savoir que les parois des habitations, du temps de nos ancêtres germaniques, étaient faites de clayonnage, de branches entrelacées pour vous permettre de comprendre la filiation avec le proto-indo-européen *wendh- !

cours de clayonnage

et le résultat...





En fait, nous retrouvons la racine *wendh- dans pas mal de langues germaniques !

Elle se cache ainsi derrière les mots pour “enrouler” en néerlandais : winden, en allemand: winden, en danois : vinde

Mais elle a aussi donné lieu, à l’instar de l’anglais wand à des mots désignant la baguette, la branche; j’en veux pour preuve l’islandais vendi (“baguette”), ou encore, le danois vånd (notamment : “baguette”) …


En anglais, toujours, nous avons un autre dérivé de *wendh- : to wander.
Errer, flâner, vagabonder, ou même divaguer … Ce genre de choses quoi.

Le rapport avec les sens portés par *wendh- ??
Mais l’idée de circonvolution, de détour, de méandre


- OK, mais là on reste dans les langues germaniques… Rien pour de chastes oreilles romanes ?
- Eh bien si!

Je vous annonçais un mot dérivé français.

Avant toute chose, je dois vous prévenir : on suppose ce qui suit.
Je dois bien vous l’avouer : on n’en est pas très sûr.
Mais bon, l’hypothèse est franchement tentante, et me plaît vraiment bien.

Allons-y :

En français, *wendh- nous a(urait) donné….


[roulements de tambour]


vandale !


Alors, explications !

On suppose que c'est la racine *wendh- qui est à l’origine du proto-germanique *wandljaz : le vagabond (pensez à l’anglais to wander).

Et Vandale proviendrait de … *Wandljaz.

en vert, les Vandales

Comme vous le savez certainement, les Vandales, c'était un peuple germanique oriental.
Et ils ne se dénommaient pas "Vandales" parce qu'ils déambulaient dans tous les sens, mais bien parce qu’ils vénéraient Aurvandil, que l’on pense être le nom d’une étoile, peut-être même l’étoile d’Orient, celle du matin.

- Euh…
- Oui, parce que Aurvandil pourrait être issu d’un composé proto-germanique *auzi-wandilaz :le vagabond lumineux”, *auzi désignant l’aube, dérivé du proto-indo-européen *aus- (oui, relisez orientons-nous !!), et *wandilaz signifiant, ben… le vagabond ! 


Pour les Romains, cette tribu était celle des Vandali, le mot n’étant qu’une simple transposition latine de *Wandljaz.
L'ultérieur français Vandale proviendra évidemment de ce latin Vandalus.

Quand les Vandales (avec un grand V) déferlèrent comme des malades sur la Gaule, l'Espagne et l'Afrique du Nord au début du Vème siècle, aux yeux des Romains, ils devinrent des pilleurs, des voleurs.

Heinrich Leutemann,
Le pillage de Rome par les Vandales
(circa 1860–1880)


Des vandales quoi. (avec un petit v)


Vandalisme
Un petit v pour des petites m.



Allez, passez un bon dimanche, une très bonne semaine, et…


A dimanche prochain ?





Frédéric


dimanche 10 août 2014

Vaccin? Bacilles en débâcle





« Voici, poursuit-elle, une grande cassette
Où nous mettrons tous vos habits,
Votre miroir, votre toilette,
Je vous donne encor ma Baguette ;
La cassette suivra votre même chemin
Toujours sous la Terre cachée ;
Et lorsque vous voudrez l’ouvrir,
À peine mon bâton de la Terre aura touchée
Qu'aussitôt à vos yeux elle viendra s’offrir ».


La fée, marraine de Peau dÂne, s’adressant à sa filleule, dans 
Peau d’âne, conte populaire, ici dans la version de Charles Perrault, 1694



La belle et talentueuse Delphine Seyrig, la fée marraine de
Peau d'Âne, dans la version de Jacques Demy, 1970



Bonjour à toutes et tous!

En ce dimanche, nous continuons notre grande saga consacrée à la Magie et aux magiciens, et poursuivons avec les instruments emblématiques des clairvoyants et autres sorciers

Notre but est toujours le même: partir d’un mot bien connu, remonter jusqu’à sa racine proto-indo-européenne, et examiner les autres dérivés de cette racine, en français ou dans d’autres langues indo-européennes, pourquoi pas!


Alors, au menu de ce dimanche, je vous propose… baguette!

Bien sûr, car difficile de parler d’un sorcier - ou d’un magicien - sans sa baguette magique.





Le français baguette nous vient en fait de l’italien bacchetta (petit bâton).
Et bacchetta proviendrait en toute vraisemblance du latin baculum: bâton, par l’intermédiaire du latin populaire *bacus / *bacculus.

Baculum? Mais c’était le bâton, la canne, le sceptre....

... dont le lointain parent était la racine proto-indo-européenne


*bak-

qui désignait un bâton utilisé pour supporter quelque chose.


Ma foi, jusqu’ici, rien de bien surprenant.

C’est surtout au vu des quelques autres dérivés de *bak- que vous risquez d’être surpris…

Car comment imaginer que baguette provient de la même racine que…


bactérie!

bactérie


Eh oui!

Bactérie, ou plus exactement le mot en latin scientifique bacterium, inventé par le naturaliste et zoologiste allemand Christian Gottfried Ehrenberg en 1838, est construit sur le grec ancien βακτηρία, baktêria (« bâton pour la marche ») à cause de la forme en bâton des premières bactéries observées: il s’agissait de … bacilles!

bacilles


Inutile de vous dire que le grec βακτηρία, baktêria trouve son origine dans notre racine *bak-!


Bacilles??
Mais oui, bacille nous vient tout autant du proto-indo-européen *bak-, car bacille n'est que le descendant du diminutif latin bacillus / bacillumpetit bâton, baguette »).



Ce bon Christian Gottfried Ehrenberg, à qui nous
devons le terme bacterium




Et puis, il y a, en charpenterie, la bâcle.

Une barre de bois, ou de fer, ou une grosse poutre, qui sert à fermer une porte de l'intérieur.

On parlait ainsi des trous de bâcle pour désigner ces trous dans l'embrasure où se logeaient les extrémités de la bâcle.

On suppose que bâcle provient du latin populaire *baccularefermer avec une barre en bois »), issu bien évidemment de baculumbâton »).


Une bâcle, ça devait ressembler à ça



“Ah mais” - me direz-vous - “alors, débâcle nous vient de là!”

Eh bien OUI!

Si bâcler c’est “verrouiller”, littéralement “barrer”: “caler avec une barre”, débâcler c’est l’inverse: “dégager, déverrouiller …”

Nous retrouvons ce sens dans notre vieux verbe desbacler, ancêtre de débâcler: « dégager un port en faisant sortir les bâtiments déchargés pour faire place aux bâtiments chargés qui arrivent ».

Mais attention! L’action de débâcler un port, ce n’est pas la débâcle, mais bien le débâclage.

Débâcle, mot récent (du début du XIXème) désigne premièrement la rupture des glaces sur un fleuve ou une rivière, qui en viennent à suivre le cours de l’eau, mais aussi, comme vous le savez, la déroute d'une armée, ou même la chute d’une entreprise.

Derrière toutes ces acceptions, l'idée de dégagement.

Monet - Débâcle sur la Seine, les glaçons, 1880


- Et donc, baguette, bactérie, bacille et débâcle sont cousins?
- Oui, certainement! Mais il y a mieux!

Imbécile!

- Pardon?? Mais jeune homme, je ne vous permets pas!
- Mais nooooon! Je parle du mot imbécile!


Oui, imbécile nous vient lui aussi de la racine proto-indo-européenne *bak-!

Pokorny - suivi par bien d’autres - l’apparente à notre latin bacillum (le bâtonnet), précédé du préfixe privatif in-, pour signifier littéralement , dans le composé latin imbecillus: « sans bâton, sans support ».

Imbecillus signifiait en tout cas faible.
On peut penser que le mot devait désigner à l'origine celui qui était désarmé, car sans bâton… (le bâton, le gourdin, étant toujours une arme commune)

En moyen français, imbecillus deviendra imbécille.
L’orthographe avec un seul l est fixée dans le Dictionnaire de l’Académie française de 1798, sans doute afin d’éviter la prononciation du -ille final comme celle de fille.

Ils auraient d'ailleurs pu faire de même avec bacille, non?




Ben voilà, j’en resterai là!


Encore une fois, le recours aux racines proto-indo-européennes nous permet de faire surgir des liens surprenants, entre des mots que nous employons si souvent…



Je vous souhaite à toutes et tous un EXCELLENT dimanche, et une très très belle semaine!

Moi, là, tel que vous me lisez, je profite enfin de quelques jours à la campagne: calme, soleil, quiétude, loin de toute agitation urbaine…



A dimanche prochain?



Frédéric


dimanche 3 août 2014

une embuscade pour quelques pounds, quelques pesetas??


article précédent: j'ai un poêle à mazout



L'Araignée, l'Araignée
Est un être bien singulier
Dans sa toile, il attend
D'attraper les brigands
En garde!
Car l'Araignée est là

Remarquables paroles (françaises)
du début du générique du dessin animé Spider-Man


Ah, c'est pas récent!











Bonjour à toutes et tous!

Aujourd'hui, nous en sommes au onzième chapitre de notre série Magie et magiciens!
Onzième!


Bon, depuis deux dimanches, nous nous intéressons à la racine *(s)pen- (tirer, étirer, tourner…), qui se cache derrière le mot... pendule (car - dois-je vous le rappeler - nous avons commencé à parler des instruments emblématiques des clairvoyants et autres sorciers).


J'allais, dimanche dernier, vous parler d'un mot  ... tout simplement extraordinaire!
 - Je vous ai suffisamment fait languir, allons-y! -

Nous le connaissons tous, ce mot, et ne savons pas nécessairement ce qui se cache derrière.
J’irais même jusqu’à penser que certains pourraient croire qu’il s’agit d’un mot anglais

Alors que c’est un mot on ne peut plus français.

Fraaançais de chez fraaançais, Monsieur!


Je vous laisse un peu jouer: sachez qu'il désigne un traquenard.

Un piège tendu pour y faire tomber quelqu’un que l’on veut tenir à sa merci.

Une embuscade.

Vous voyez ce que je veux dire?

Et c'est un mot composé.

Alors, vous l'avez trouvé?


Mmmmh?



pom pom pom









OUI!

Guet-apens!

Un guet-apens, étymologiquement, est une embuscade mûrement réfléchie...

Le mot nous vient de guet apensé, altération de la locution adverbiale d’agais apensés: « guet avec préméditation », qui a succédé à l'ancien français en aguet apensé, issu du verbe ap(p)enser, qui revêt ici le sens particulier de « méditer avant d’agir, former un projet ».

En aguet apensé” se compose en réalité de aguet (d’où nous arrive, par aphérèseguet) et du participe passé de l’ancien verbe ap(p)enser: « concevoir la pensée de, s’aviser de », dérivé de penser.

Aguet??
Mais oui, on le connaît bien ce mot vieilli, ancienne version de notre "guet", mais on ne l’emploie plus guère que dans les locutions du type “être aux aguets”, ou “l’œil aux aguets”…

Bien entendu, en fidèles lecteurs et lectrices du dimanche indo-européen, vous reconnaissez instantanément ce premier élément de guet-apens: nous l’avons traité dans three witches watch three Swatch watches:

Guet descend de la racine proto-indo-européenne *weg-2, à l’origine de l’anglais witch!


Joli, non??


Guet-apens, Sam Peckinpah,1972 



Et puis, et puis…

Tous les dérivés de *(s)pen- ne proviennent pas que du latin.
Oh que non.

Passons à l’anglais!

Rappelez-vous, le champ sémantique de *(s)pen- couvre les notions de tirer, étirer, tourner

Mais dites-moi, celui qui tire, étire, tourne un fil de laine, mais c'est un tisserand!


tisserand

Le proto-germanique *spinnan- signifiait tisser.
Il provenait de *(s)pen- par sa forme suffixée *spen-wo-.

Sur *spinnan- tisser s’est basé le germanique *spin-thrōn “le tisserand”.

Nous allons retrouver plus tard les germaniques *spinnan- et *spin-thrōn, évoluant respectivement dans les vieux anglais spinnan: tisser et spīthra l’araignée, entendez: la tisserande!

Nous en avons évidemment … tiré les anglais...
  • spin: tisser, et 
  • spider: l’araignée.

Oh oui, notons que le germanique *spinnan- a également ensemencé...
  • le scots spider (“araignée”), 
  • le frison occidental spin (“araignée”), 
  • le néerlandais spin (“araignée”), 
  • l’allemand Spinne (“araignée”), 
  • le danois spinder (“tisserand, araignée”) - d'où le malaise tangible quand un Danois vous dit qu'il vient d'écraser un spinder), ou encore 
  • le suédois spindel (“araignée”).


Quant à l’anglais spindle, le fuseau, il descend aussi du germanique *spinnan, mais cette fois par son dérivé *spin-ilōn, passé au vieil anglais spinel (fuseau).

Spindle: fuseau



Et ce n’est toujours pas fini…

Du germanique *spanno, l’anglais a … tiré span: la distance, l'écartement, l'envergure, ou même le laps - la période de temps ...  (mais oui, pensez à l’idée d’étirement).

Nous traduirions bridge span par la travée d'un pont: la partie du pont s'étirant de pile en pile (ou de pile en culée, si vraiment vous y tenez).



- Quoi? Encore de l’anglais? C'est pas bientôt fini??
- Oui, désolé (en fait:  non!), mais à votre avis - je vais me rattraper - quel est le mot, bien français cette fois, qui provient de ce même germanique *spanno? 

Mmmh?


Je vous laisse réfléchir??

...

Ah ça, il faut savoir ce que vous voulez: de l'anglais ou du français??








L’empan! Non, pas comme le pétrole. C'est malin.

Via l’ancien français espan.

- Euuuh mais... C’est quoi l’empan??

- Selon le Littré, il s'agit de la mesure de longueur qu'on prend du bout du pouce à l'extrémité du petit doigt, lorsque la main est ouverte le plus possible.



Et pour revenir au latin - et nous en resterons là, considérez ceci comme une dernière salve, ou le bouquet final, c’est selon… - une forme suffixée et allongée de *(s)pen- au timbre o: *pond-o- est à l’origine de l’ablatif latin pondō: “au poids”.


C’est un mot anglais qui nous intéresse ici!
Vous rappelez-vous, nous avions vu la semaine dernière que *pēsum / pēnsum avait donné peso.
(Oui, je ne l’avais pas précisé, mais vous aviez extrapolé: l’espagnol peseta en est également le fier descendant, par l’espagnol peso.)

Eh bien, le latin pour “au poids” nous a donné l’anglais ... Pound!
La Livre.




Et pour être complet, sachez que c’est également à une forme au timbre o de *(s)pen-, suffixée et allongée: *pond-es-, que nous devons le fameux latin pondus (de racine ponder-) dont nous avions parlé il y a deux dimanches en précisant qu'il nous avait donné le français poids.

Poids, pondéral, pondération, prépondérant … Encore autant de dérivés de *(s)pen-.


Ouuuuuf!



Bluffant, non?

De empan à pondération, en passant par appendice, appentis, parpaing, les anglais spin ou spider, sans oublier penthouse, pension, poids, penser, panser, guet-apens, pound, récompense, poêle, suspens ou vilipender… (et j'en passe)

TOUS sont des descendants d’une mignonne petite racine proto-indo-européenne de rien du tout:

*(s)pen-!


Respect!





Bon dimanche à toutes et tous,
Passez une excellente semaine, et…

A dimanche prochain!





Frédéric