- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 24 juin 2012

en attendant *gheu-*dyeu-


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"Définissez-moi d'abord ce que vous entendez par Dieu et je vous dirai si j'y crois."

Albert Einstein



Dieu !

Dieu géomètre.
Même si pour moi, il serait plus
"Dieu musicien"


Dur à trouver, et dur à définir ! Même en proto-indo-européen...

Il est communément admis, dans le cercle si particulier des linguistes spécialisés en proto-indo-européen, que  l'anglais God, ou l'allemand Gott ("Dieu"), proviennent de la racine proto-indo-euroépenne *gheu(ǝ)-.

Racine qui véhiculait le sens d'"appeler", d'"invoquer".

Dieu, c'était donc, pour nos lointains ancêtres, si du moins l'on se base sur cette racine, "celui qu'on invoque", "l'invoqué".

Mais il se pourrait que ne soit finalement pas la bonne racine à laquelle faire correspondre le sens de "Dieu".

En effet, il existe une autre racine, très semblable, qui pourrait également faire l'affaire : *gheu-.
Très semblable phonétiquement, mais totalement différente quant au sens transporté...

*gheu- correspond à la notion de "verser".

"Certes" me direz-vous, "mais quel est le rapport avec Dieu?"

Eh bien, pensez aux libations.

Une libation est une forme de sacrifice, pratiqué dans les religions de l'Antiquité.
Il s'agissait d'un rituel religieux consistant en la présentation d'une boisson en offrande à un dieu, en renversant quelques gouttes sur le sol ou sur un autel.
Les liquides offerts en libations étaient variés, le plus souvent du vin, du lait ou de l'huile d'olive.

Assurnazirpal II, roi d’Assyrie, prêt à une
libation pour enfin recevoir un nom normal,
que ses amis peuvent retenir et prononcer
sans devoir l'apprendre par coeur


Et donc, considérant cette racine, "Dieu" était celui pour qui l'on procédait à des libations.

Disons que, quelle que soit l'option choisie, "Dieu" est toujours celui à qui l'on s'adresse, à qui l'on fait offrande.

Par ailleurs, *gheu-, dans le sens de "verser", nous a légué l'anglais gut : les intestins, via le germanique *gut-.

Mais nous lui devons également, cette fois par le latin fundere : fondre, verser, répandre, évacuer, les français fondre, fondant, fonte, fondue, à foison, confondre, profusion, effusion, refuser, transfuser, fusible (fuse en anglais)... ...

En outre, la racine proto-indo-européenne *gheu- a servi de base pour...

  • le grec χέω, kheō ("verser, répandre"), ou encore
  • le sanskrit juhṓti ("sacrifier", dans le sens de "verser dans le feu sacré") et
  • le sanskrit hṓman ("sacrifice") - qui correspond au grec ancien χεῦμα, kheûma,
  • l'avestique zaotar ("prêtre", plus spécialement en charge des sacrifices), ou encore
  • le gotique giutan ("verser"), sur lequel s'est formé l'allemand Guss (" fusion, fonte"), et qui nous a donné... 
  • le français gueuse: la "masse de fonte brute", ou gush en anglais.

Gueuses de fonte



OK, très bien. Mais d'où vient le français "Dieu", alors ???

Eh bien, le mot provient bien d'une racine proto-indo-européenne, TRÈS intéressante: *dyeu-...

A ce point intéressante que pour créer un peu de tension et de suspense, je la traiterai la semaine prochaine !

Je sais, c'est insoutenable.




Frédéric

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dimanche 17 juin 2012

roulez, jeunesse




Nous sommes toujours au mois de juin! Et au troisième épisode de notre trilogie...

Nous avons traité la semaine dernière de *aiw- (ou *ayu-): force vitale, vigueur de la jeunesse.
(Tout était parti de DON'T PANIC, 42 et toutes ces sortes de choses, l'article d'il y a deux semaines)

Continuons dans le même ordre d'idées, et parlons à présent d'une racine dérivée de *aiw-, véhiculant elle aussi la notion de "force vitale" associée à la jeunesse:


*yeu-.


Au degré zéro (sans le "e"), et accolée au suffixe -wen (donc, pour donner *yuwen-), elle désignait celui - ou celle - qui possède la vigueur de la jeunesse, qui est jeune.

Vous devinez la suite!

Le français lui doit, via le latin juvenis ("jeune"): juvénile, jouvence, jouvenceau, jouvencelle.

Et jeune, aussi, bien entendu!

"Jouvence" nous vient de l'ancien français "jovente", du latin juventa: "jeunesse, jeune âge".

La Jouvence de l'abbé Soury


Une jeune vache n'ayant pas encore eu de veau, c'est une génisse.
Le latin classique connaissait junix, -icis: génisse, jeune vache.
En latin populaire, c'était devenu *jūnīcia, puis enfin *jenīcia, que le français a repris dans génisse.

Génisse (à gauche)


Par le vieil anglais geoguth*yeu-, sous une forme suffixée *yuwn-ti-, a transmis à l'anglais youth: la jeunesse, via le germanique *jugunthi-.

Et à partir d'une autre forme, *yuwn-ko-, cette même racine *yeu-  a transmis au vieil anglais geong, devenu en anglais moderne young: jeune.

Junior est également un descendant de la racine, iunior étant en latin le comparitif de iuvenis (jeune), donc signifiant: "plus jeune".

- Ouais, ok, on a compris: des dérivés en français et en anglais, et à part ça, que dalle dans les autres langues indo-européennes. C'est ça hein?
- Pas tout à fait, non...

Déjà, il ne faut pas oublier l'allemand jung, le néerlandais jong, le norvégien young, le danois unge, ou même le suédois ung... - qui est aussi, curieusement, l'onomatopée émise quand on se coince le doigt en montant un meuble IKEA, tout en tentant de conserver en bouche les vis que l'on avait préparées.

Le grand Carl Gustav Jung


N'oublions pas non plus l'espagnol joven, ou l'italien giovane...

- Ouais, c'est ça, Mossieu je-sais-tout; mais à part les langues latines et germaniques, hein??

Ben, il y a aussi le russe юный ("iouneil"): frais, jeune, juvénile.

Et puis l’ukrainien ю́ний. Ou le vieux-bulgare юн, юне́ц, юне́, pour "jeune taureau".
Ou юна́к pour "jeune héros".

Allez, soyons fou: il y a aussi le serbo-croate jу́нац (génitif jýнца), signifiant toujours "jeune taureau", jу̀ница ("génisse"), le slovène junóta "(les jeunes gens) ou júnǝс ("jeune taureau, faon").

Ou encore, en tchèque ancien junec ("jeune taureau") ou junoch ("jeune homme").

Nous avons encore le tchèque moderne jinoch ("adolescent"), le slovaque junač ("les jeunes") ou junák ("garçon, gaillard"), les polonais junosza ou junoch ("adolescent"), juniec ("jeune taureau"), ou junak ("adolescent")...

Ah oui tiens, on retrouve encore "jeune taureau" en tant que juvencus en latin, mais aussi sous la forme junk en bas-sorabe.

- Euh, vous avez bien dit "bas-sorabe"?

- Eh bien oui! Le bas-sorabe (dolnoserbski, ou en allemand Niedersorbisch) est une langue slave parlée en Allemagne (encore faut-il qu'elle soit parlée, me direz-vous).
Elle appartient, avec le haut-sorabe, au groupe des langues... sorabes.

Usitée en Basse-Lusace (à Cottbus et dans ses environs, dans le Brandebourg), par environ 10 000 locuteurs, elle est menacée d’extinction.

Je n'oserais pas supposer que le haut-sorabe est usité en Haute-Lusace?

Le haut-sorabe est donc en bas, et le bas-sorabe en haut


Allez, encore une fournée:

Transmis par la racine protoslave *junъ, *junьcь, nous avons encore le lithuanien jáunas (jeune), le letton jaûns (jeune),ou le lithuanien jaunìkis (jeunes mariés)...

Jeunes mariés lituaniens


En indien ancien, on retrouve yúvan- (génitif. уū́nаs) (jeune, adolescent), et en avestique yuvan- (génitif уūnō).

La déesse romaine Iuno (Junon) était probablement ainsi nommée ("la jeune") parce qu'elle était la déesse de la "jeune lune" (entendez de la "nouvelle lune").

Junon, fille de Saturne


Et voyez comme les choses sont bien faites, et comment la boucle se boucle:

C'est de son nom que provient...  juin, le mois de Junon...

L'appel du 18 juin


Frédéric


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dimanche 10 juin 2012

l'éternité? Oh juste une bonne hygiène de vie.






"Eternity is a long time, especially towards the end."
("L'Eternité, c'est long, surtout vers la fin.")
Woody Allen

Les Oiseaux de Moebius,
Maurits Cornelis Escher
l'éternité représentée!


Second volet de notre trilogie!

Nous avions traité, lors du dimanche indo-européen de la semaine dernière, de la racine *gʷeiǝ-,"vivre".

Une des raisons pour lesquelles je me passionne pour le proto-indo-européen, et a fortiori pour lesquelles j'ai créé ce blog,  c'est le bonheur que j'éprouve à pouvoir réunir ce qui est épars: découvrir des points communs entre des choses qui, à première vue tout au moins, n'en ont pas.

Trouver le lien invisible entre des mots d'une même langue, ou même entre les mots de langues différentes.

Oui, peut-être, d'une certaine façon, tenter, à mon humble niveau, de retourner symboliquement, le temps d'un instant, à l'âge mythique d'avant la Tour de Babel, où la langue se confondait avec la parole, avec la Parole.

En page 2 de mon dictionnaire préféré: "The American Heritage dictionary of Indo-European Roots" par Calvert Watkins, je trouve une racine qui me fait bougrement plaisir!

Car elle permet justement de créer des liens que jusque là je n'imaginais pas.

Calvert Watkins,
sans qui "le dimanche"
n'existerait probablement pas


Cette racine proto-indo-européenne, la voici: il s'agit de *aiw- (ou *ayu-).

Vous allez rapidement comprendre pourquoi je tenais en un premier temps à traiter de la racine *gʷeiǝ-,"vivre"....

Car le champ sémantique de *aiw- (ou *ayu-) s'étendait à des notions allant de "force vitale", "vie", à "longue vie", "éternité"; elle pouvait s'appliquer à "qui est doté du meilleur de la force vitale", entendez "à qui est jeune".

Une petite parenthèse: les racines proto-indo-européennes que l'on retrouve, ou en tout cas reconstruit, sont des "bouts de mots avec un sens". Rarement des mots complets (d'où souvent la présence d'un tiret "-" après, ou même avant la racine). 
Même si l'on peut décemment croire en l'existence d'une racine, et en la façon plus ou moins précise dont elle se prononçait, le gros souci du linguiste est d'en déterminer le ou les sens associés. 
La reconstruction en tant que telle est devenue chose relativement(!) aisée, mais il faut encore donner un sens au bout de mot retrouvé. 
Facile quand tous les dérivés de ce "proto-mot" recueillis dans les langues indo-européennes concordent en leur définition; nettement plus ardu quand la signification de ces mots diffère d'une langue à l'autre... Le linguiste doit alors peser, évaluer, et finalement choisir. Avec tous les risques d'erreur ou d'omission que cela comporte. 
Parfois aussi, certains linguistes estiment qu'une même racine proto-indo-européenne recouvrait plusieurs significations, alors que pour d'autres, ces significations ne peuvent être liées, et sont à associer au contraire à des racines bien distinctes, mais très semblables - voire carrément identiques quant à leur retranscription... 
Tout cela pour expliquer qu'il vaut toujours mieux interpréter les significations des racines, et considérer que ces racines ne font que "véhiculer une (ou plusieurs) notion(s)", qu'elles "correspondent à une signification". Sans plus. 
Je crois qu'il vaut mieux penser à l'image qu'elle peuvent représenter, plutôt que tenter de les figer dans un sens littéral... 
Ce qui en soit est magnifique! Mais oui! 
Car c'est VOUS qui vous les appropriez, et en cela VOUS les faites revivre... 
C'est ainsi que je comprends le sens de la force de l'esprit vivifiant sur la lettre morte... J'espère que Paul me pardonnera de le paraphraser ainsi ("la lettre tue, l'Esprit vivifie" -2 Corinthiens 3,6). 
Euh, j'ajouterai que si tout le monde pouvait ainsi rechercher l'esprit des textes plutôt que s'arrêter à la lettre (en d'autres termes, chercher le contenu plutôt que s'attarder au contenant, ou encore: regarder dans la direction indiquée par l'index, plutôt que de regarder le doigt lui-même...), il y aurait moins de fanatisme borné, stupide et liberticide sur Terre. 
Fini le créationnisme, fini le totalitarisme religieux... On peut rêver, non! 
Enfin... (et je ne peux m'empêcher de repenser à ce passage de Monty Python's Life of Brian)




- Farpaitement! Patron, remets-nous ça!
OK, bon, j'arrête ma morale de comptoir à deux balles, pour revenir à la racine proto-indo-européenne de ce dimanche: *aiw-*ayu-:

Nous retrouvons la racine dans le vieil anglais ā "à jamais, pour toujours".
Et c'est très probablement la combinaison, en vieil anglais, de ā et de fēore (au nominatif feorh: "vie, existence"), qui a donné ǣfre, qui est devenu plus tard, en moyen anglais... ever!
Ever, qui reprend le sens de ā: "à jamais, pour toujours".

Et notre vieil anglais ǣfre, associé à ǣlċ ("each": chaque), a donné en moyen anglais everich... devenu à présent every: tout, chaque, ...

Never, évidemment (jamais: la négation de "toujours"), provient de *aiw-, accolée à la racine proto-indo-européenne reprenant l'idée de "rien, nul, négation": *ne.

Neverland, où vit Peter Pan
Avez-vous LU Peter Pan? C'est une splendeur...

Par le vieux norrois ei, *aiw- nous a aussi donné le fameux Aye que vous entendrez encore maintenant comme réponse à un ordre donné sur un vaisseau de sa Très Gracieuse Majesté:

"aye aye Sir", par laquelle le matelot confirme sa compréhension de la commande, et sa mise à exécution.

L'équipage du HMS Stork, 1942


"Oui, oui, Monsieur". Curieux, non?
Que cette notion de "vigueur, de jeunesse, de longue vie", passe ainsi à une sorte de "oui"...

(Notons qu'en écossais, "oui" peut encore se dire aye, et que dans la Chambre des Communes britannique, prononcer "aye" est toujours la façon accoutumée de donner son accord à une motion).

Je me l'explique par la notion d'affirmation liée à ce qui existe. "C'est là, je le vois, c'est devant moi..." "VIE = OUI", "MORT = NON", ou quelque chose comme ça...

Munie du suffix*-ā qui permettait de former des noms abstraits ou collectifs, la racine proto-indo-européenne *aiw- (ce qui nous fait donc *aiwā) a, par une dérivation en plusieurs étapes, donné l'allemand echt "vrai, véritable".

Car "ce qui est éternel, ce qui dure" a finalement désigné "ce qui se fait toujours, ce qui est traditionnel, ce qui est de coutume".
Pour devenir: ce qui est donc légitime, ce qui est à faire.
Donc, en fin de compte, ce qui est vrai. "Car nos ancêtres ont toujours fait comme ça; c'est comme cela que les choses nous ont été transmises".

On retrouve ici la notion importante de tradition (la transmission), qui rend fous nos esprits modernes, cartésiens et raisonnables, alors qu'elle est au centre de toutes les civilisations, même de la nôtre.

- Bon, coco, c'est bien ton machin, mais jusqu'à présent, tu ne parles pas vraiment du français...
- C'est parfaitement exact! Et c'est là où je veux en venir:

J'ai toujours trouvé le mot anglais "ever" tellement beau...
Et me suis toujours demandé à quel mot on pouvait l'associer en français.
Sans jamais trouver...

Et, oui, c'est par le proto-indo-européen que j'ai fait le lien:

Jouez le jeu: pensez au début du mot: "ev", et réfléchissez à des mots français qui exprimeraient l'idée de durée, d'âge, et qui reprendraient ce bout de mot...

Ca y est?

Longévité! Médiéval!

Eh oui!
Ils nous sont passés du proto-indo-européen par le latin aevum: âge, éternité...

"Longévité", dans la série des posters démotivants


Une forme postérieure de la racine *aiw- a, elle, donné naissance par le latin aetās, à notre français âge.

Une autre forme de la racine, *aiwo-, suffixée par -t-erno pour créer *aiwo-t-erno, a, bien évidemment, donné éternel, éternité, sempiternel...

Et ce n'est pas fini...

Une forme plus ancienne de la racine, *ǝyu-, combinée à notre racine de la semaine dernière: *gʷeiǝ-, pour donner *ǝyu-gʷeiǝ-es ("avoir une vie vigoureuse"), a transmis au grec ὑγιής (hugies): en forme, en bonne santé.

D'où nous vient le mot... Hygiène!

...


Allez, une toute dernière pour la route:

Vous rappelez-vous que nous avions évoqué la racine *weid- voir, savoir (in arbres, vérité, druides et dead parrots), qui avait notamment permis de créer le sanskrit veda - connaissance?

Eh bien, la racine proto-indo-européenne *aiw-, dans sa forme ancienne *ǝyu-, adjointe à *weid-, a créé le mot sanskrit désignant la médecine traditionnelle hindoue "la connaissance de la longue vie", Ayurveda, en sanskrit: आयुर्वेद - Āyurveda.

Dhanvantari, la divinité associée
à l'Ayurveda



Bonne et longue vie à toutes et tous!

Frédéric

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dimanche 3 juin 2012

DON'T PANIC, 42 et toutes ces sortes de choses


article précédent: feu à volonté




NAD (n.) 
Measure defined as the distance between a driver's outstretched fingertips and the ticket machine in an automatic car-park. 1 nad = 18.4 cm.





("NAD (n.)  
Distance entre l'extrémité des doigts tendus d'un conducteur et le distributeur de tickets dans un parking à paiement automatisé. 1 nad = 18,4 cm.")
Douglas Adams & John Lloyd, The Meaning of Liff

Douglas Adams


Le 25 mai dernier, c'était le Towel Day!

De l'intérêt de toujours avoir un essuie-main,
une serviette de toilette sur soi

Le jour qui célèbre désormais Douglas Adams, décédé en 2001, l'auteur de la nécessaire, indispensable, formidable, extraordinaire Trilogie du "Hitchhiker's Guide to the Galaxy".

Ah oui, je ne l'avais pas précisé, mais ça va de soi: il s'agit d'une trilogie en cinq volumes.


Tout simplement extraordinaire...


A l'origine, il s'agissait d'un feuilleton radiophonique diffusé sur la BBC en 1978.

Humour absurde, décalé, d'une logique irrésistible et implacable.
Douglas Adams et les Monty Python ont puisé clairement à la même source.
Douglas Adams a d'ailleurs brièvement collaboré avec les Monty Python.

DON'T PANIC! (toujours en majuscules!), c'est ce qui est inscrit sur la couverture du "Hitchhiker's Guide to the Galaxy", cette sorte de Guide du Routard intergalactique, que vous consultez en cas de souci, comme par exemple si un Vogon vous oblige à écouter sa poésie...

Quant à 42, c'est tout simplement LA réponse; la réponse ultime, la réponse à LA question ultime (d'où venons-nous, pourquoi, ...)...

Pour en savoir plus, vous devez lire "The Hitchhiker's Guide to the Galaxy"!

Pour ce qui est du Meaning of Liff, Douglas Adams s'était dit qu'il y avait énormément de noms de villes, de villages, de toponymes qui finalement ne servaient à rien.

Et que dans le même temps, une multitude de choses n'avaient pas de nom...

Comme cette flaque dans laquelle on vous rend votre monnaie sur le comptoir d'un bar, ou l'odeur présente dans un taxi que vous empruntez alors que quelqu'un vient d'en sortir, ou encore cette simagrée de marche rapide qu'opère un piéton devant votre voiture quand vous vous êtes arrêté pour le laisser passer...

Et donc, il a, dans The Meaning of Liff, associé à ces noms "inutiles", une définition pour laquelle un mot n'avait jamais été créé... C'est tout simplement hilarant, tordant, intelligent, bien observé...
Un petit bijou...


Eh bien, à ma façon, je célèbrerai la vie et l'oeuvre de Douglas Adams par une trilogie: un sujet qui couvrira trois "dimanche" consécutifs...

Pour faire bonne figure - premier volet de la trilogie - nous devons commencer par une racine proto-indo-européenne qui est associée à une notion de base, fondamentale:

vivre.

Parce que tout commence par là!


Je veux parler de la racine *gʷei-, ou *gʷeiǝ-.

Elle nous a transmis l'anglais "quick". Et le français vif.

L'un comme l'autre signifient "vivant", "en vie" avant de vouloir dire "rapide", "preste"...

"vif" nous est parvenu par le latin vīvus - vivant, en vie; alors que "quick" nous a été transmis par le biais du germanique *kwi(k)waz.

En français, nous parlons toujours de "mort ou vif".

En revanche, en anglais, le mot "quick" a pratiquement perdu son sens de "en vie".

Pourtant, jadis, on considérait qu'un bébé commençait réellement à vivre quand il bougeait pour la première fois dans le ventre de sa mère.
Et ce moment si important, on le qualifiait, en anglais, de "quickening", de "mise en vie".

On ne retrouve plus le mot anglais dans son acceptation initiale que dans la Bible du Roi Jacques, qui parle de Jésus comme "juge des vivants et des morts": judge "of quick and dead".

Ou dans le mot quicksilver, le mercure!
D'ailleurs, autrefois nous l’appelions en français vif-argent, "l'argent vivant"...

The King James Bible


Par le latin vīta - la vie, nous devons à la racine proto-indo-européenne *gʷeiǝ- vitalité, vital ou même vitamine!

Par le latin vīvus (en vie, vivant), *gʷeiǝ- nous a bien entendu légué vie, vivant, mais également vivarium, vivide, vivifier, vivacité, viable, vivace, convivial...

Et aussi... viande, vivres (les "provisions"), victuaille, ravitailler.

Viande, vivres, victuaille?? Mais euh??
Mais oui, c'est l'idée de "tout ce qui sert à la vie", qui "permet de vivre"...

Vipère! Vipère provient de la contraction du latin vīvipera: vivipare: "qui porte des jeunes en vie".

Car de nombreuses espèces de vipères "portent leur progéniture en vie", les oeufs incubant et éclosant dans le ventre de la femelle.
Nous parlerions maintenant plus précisément de la vipère comme d'une espère ovovivipare.
(pour vipère, voir également Mes parents? Là sur le rempart, sous le parasol.)

Sous une forme suffixée en -o, au degré zéro (perdant sa voyelle e), la racine *gʷeiǝ-, devenant donc *gʷiǝ-o, s'est dérivée dans le grec βίος - bios: la vie.

A qui nous devons biologie, microbe, antibiotique, mais aussi amphibien...

De biographie à biosphère, il serait fou de citer tous les mots qui en sont dérivés!

En voici une liste, non exhaustive...


Et puis, ne l'oublions pas, c'est toujours une variante de la racine, *gʷyō- qui nous a donné le grec ancien ζωή - zôê, "vie", sur quoi nous avons construit zoo, zodiaque, protozoaire...


Ce qui nous ramène à notre sujet de départ:

Car c'est Zooey Deschanel qui jouait le rôle de la terrienne Trillian dans l'adaptation très (trop, beaucoup trop) hollywoodienne du Hitchhiker's Guide to the Galaxy...

Zoé, c'est littéralement celle qui est pleine de vie...

Zooey Deschanel dans l'adaption au cinéma du
Hitchhiker's Guide to the Galaxy



A dimanche prochain, pour la suite!!!




Frédéric