- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 4 mai 2014

Siegfried était-il téméraire?


article précédent: des oeufs à la crème



In ipso vita erat, et vita erat lux hominum: et lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non comprehenderunt.

En Lui était la vie et la vie était la Lumière des hommes et la Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise.

Prologue de Jean


Bonjour à toutes et tous!


Bon, ces temps-ci, j’ai, et vais avoir, pas mal de boulot!
Je dois préparer des examens.
(Oh, rien qui vous intéresse, croyez-moi, à moins que vous ne soyez un peu malades, et/ou féru(e)s, comme moi, d’informatique: il s’agit d’examens sur des matières d’architecture - informatique, pas la vraie, celle des bâtiments! - d'infrastructures (informatiques, hein) de type “cloud”).

Et ces examens me demandent beaucoup de temps et d’énergie.


Mais je n’ai jamais (jamais) raté un seul rendez-vous dominical avec vous depuis que j’ai lancé ce blog, en novembre 2011, avec un article sur la mort!

Je ne faillirai pas.
Mais pour ne pas trop gêner mon étude, je ferai pendant quelques semaines des sujets courts, sur des racines proto-indo-européennes qui n’ont pas nécessairement donné beaucoup de descendance, mais qui ont cette particularité d’avoir donné des dérivés que vous ne pouvez soupçonner d’être apparentés les uns aux autres…


Prenez cette petite suite d’articles courts comme des friandises.
Et puis, la saison s’y prête bien, à des choses plus légères, vite avalées!



La racine proto-indo-européenne avec laquelle j’aimerais débuter ce cycle d’articles “bulles de Champagne”, la voici:

*temə-2


Cette racine évoquait la notion d’obscurité.

Sa forme suffixée *temə-s- s’est dérivée dans un nom latin - non attesté, d'où l'astérisque: *temus, à relier à la racine latine *temer-: la cécité.
Entendez par là l’état dans lequel vous êtes plongés dans l’obscurité, quand vous ne voyez plus grand-chose, et devez vous déplacer à l’aveuglette

Ce *temus donnait, à l’ablatif, temere:à l’aveuglette”, ce qui m'arrange bien, ou encore, au sens figuré “aveuglément”, donc aussi “imprudemment, inconsidérément”…


Sur temere, le français a créé... : téméraire:d’une hardiesse imprudente ou inconsidérée”.

Charles le Téméraire


Un p’tit tour à présent par le vieux haut-allemand?
Car *temə-2 s’y est transformée en demar, désignant ce moment du jour où il commence à faire sombre: le ... crépuscule.

Demar, crépuscule, allemand… Vous avez peut-être fait le lien…?!

Oui, nous retrouvons le mot dans Götterdämmerung, le crépuscule des Dieux!
Dernier opus (et donc le quatrième) de la tétralogie de Wagner Der Ring des Nibelungen (“l’Anneau du Nibelung”).

Richard Wagner

Bon, moi, je s'rais plutôt Bach ou Mozart, mais bon!!!

Pour la petite histoire, et par amour du vieux norois cher à vos cœurs, sachez que le mot Götterdämmerung n’est qu’une translation littérale en allemand du vieux norois Ragnarök de même sens, qui faisait référence, dans la mythologie nordique, à une guerre prophétisée entre Dieux et créatures diverses, qui se terminerait par la destruction du monde tel que nous le connaissons, dans le feu et le déluge, pour qu’un nouveau monde puisse enfin voir le jour.


C'est avec un extrait du Götterdämmerung de Wagner, la marche funèbre de Siegfried, que John Boorman a illustré, accompagné, ce passage merveilleux de son film Excalibur, où Perceval rejette à contre-cœur l'épée magique à l'eau, là d'où elle vient, à l'issue de la bataille entre Arthur et son fils Mordred...


TA TA! tou la la la la...


Et pour celles et ceux qui me lisent sur un iPad:


Oh, je vous ai déjà parlé de l'Excalibur de Boorman iciSerpents, vers et dragons. Ah, et aussi ophiolites.
Mais que voulez-vous, il s'agit d'un de mes films préférés, un de ces films "qui vous parlent"...
En tout cas, qui ME parlent...


Enfin, sur la forme suffixée *temə-s- de notre racine *temə-2 s’est construite, soyons fou, une nouvelle forme suffixée: *temə-s-rā-.

C’est sur cette dernière que s’est bâti le pluriel latin tenebrae: obscurité, ombres
Nous lui devons, bien entendu, ténèbres.
Notez que parfois, mais rarement, le mot s’emploie au singulier: la ténèbre



Voilà pour ce dimanche allégé
(Pour moi, il s'impose, vu le nombre d'oeufs en chocolat que je me suis senti obligé d'ingurgiter ces derniers temps...) (Mais oui, pour faire plaisir, pour ne pas vexer)

Dimanche allégé peut-être, mais qui vous aura permis malgré tout de tisser des liens entre le titre d’un opéra de Wagner, téméraire et ténèbres!

Excusez du peu.


Là-dessus, je m'en vais envahir la Pologne.




Bon dimanche à toutes et tous,
Passez une excellente semaine, et…

A dimanche prochain?




Frédéric


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