- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 25 février 2018

j'ai emprunté un livre d'André Breton. Que je lis au jardin. Excellente médecine !




Le bonheur n'est pas une plante sauvage, qui vient spontanément, comme les mauvaises herbes des jardins:
c'est un fruit délicieux, qu'on ne rend tel, qu'à force de culture.



Nicolas Restif, dit Restif de La Bretonne 


Nicolas Edme Restif
23 octobre 1734 -3 février 1806
(source)






Bonjour à toutes et tous !



Dimanche dernier, nous avions découvert que notre français “livrenous venait, par le latin liber, “écorce, livre”, d'une racine indo-européenne, *lubʰ-, peler, écorcer”.







racine indo-européenne *lubʰ-, peler (écorcer)” suffixée en -*ro-

*lubʰ-ro-, “feuille, écorce” 
radical proto-italique *lufro-
latin liber, “écorce, livre”
emprunt
français livre (fin XIème)






Nous constations derechef que ce liber latin avait aussi été emprunté dans d'autres langues romanes, en basque, et dans quelques langues celtiques.



Ben aujourd'hui, poursuivons notre étude de la jolie *lubʰ-, peler, écorcer avec les cognats celtiques du latin liber !

- Mais ???! Tu VIENS de nous dire que les langues celtiques avaient emprunté leurs formes au latin liber !? Tu débloques, mon gars ?
- Oh bonjour, vous allez bien, Monsieur Ucon ?


Le célèbre Fernand Ucon


Je ne me suis peut-être pas bien exprimé. Peut-être n'étais-je pas suffisamment clair...

Dimanche dernier, nous avions effectivement fait une petite liste d'emprunts celtiques au latin liber.
Ce que je me propose de faire en ce dimanche, c'est de vous montrer cette fois les cognats celtiques de notre latin liber.

- Maisje ??
- Oui, alors
- je pense qu'on a déjà dû en parler un jour, non ? Mais soit -,
pour faire simple:

Le terme dérivé est finalement très vague, et les mécanismes de dérivation lexicale sont vraiment multiples...

En ces pages consacrées aux racines indo-européennes, je privilégie les dérivés que je qualifierais de naturels, ceux qui se sont créés par une lente évolution, une percolation depuis le proto-indo-européen, en ligne directe,  jusqu'à nous.

À côté des dérivés par filiation directe, naturels (c'est moi qui les nomme ainsi), il y a cet autre type de dérivé qu'est l'emprunt (emprunt lexical, pour être précis), un mot qu'une langue incorpore dans son lexique à partir d'une autre langue, sans vraiment qu'il soit traduit dans la langue d'arrivée. 

En revanche, des cognats,
du latin cognatus, parent par les liens du sang,
sont des mots qui ont réellement un ancêtre commun. 

Ils sont apparentés les uns aux autres car ont évolué depuis cet ancêtre commun chacun de leur côté sans qu'il y ait eu emprunt
(ou éventuellement calque, quand il y a eu traduction littérale, comme le québecois tomber en amour, calque de l'anglais to fall in love)
entre eux.

Oui, non ?

Le latin liber descend de la racine indo-européenne *lubʰ-.
Mais ce même latin a été lâchement emprunté en français, pour donner livre, ou dans les langues celtiques, comme dans le cas du breton levr.

Vous retrouverez notre français café en anglais: emprunt. 
Comme vous trouverez l'anglais parking en français. Emprunt ! 

Notre bazar nous vient du perse bāzār, marché: emprunt!

Mais le féroïen fergja, “presser, pousser, comprimer...” et le français arche sont des cognats, car dérivent tous deux d'une lointaine forme commune, l'adorable indo-européenne *ark-. 
Si ça coince, relisez donc Les Féroé ? Le tombeau des baleines...

la création des cognats dans une langue L1 et une langue L2, 
chacune d'un groupe linguistique différent ?
(percolation naturelle)

racine indo-européenne
⇓                 
proto-langue P1  proto-langue P2
⇓                           
ancienne langue L1    ancienne langue L2
⇓                                    
moyenne langue L1          moyenne langue L2
⇓                                          
cognat langue L1                           cognat langue L2
-----

un exemple de création d'emprunts ?

racine indo-européenne
proto-langue P1
⇓ 
ancienne langue L1
moyenne langue L1
                                                  langue L1 ⇒ emprunt ⇒ langue L2



Bon, c'est pas tout ça. Passons aux cognats celtiques de notre latin liber !



Notre ravissante *lubʰ-, peler (écorcer)se retrouve dans le proto-celtique (reconstruit, non attesté) *lubī/ā-, “herbe, plante”.

D'où le vieil irlandais ... luib, sans surprise, “herbe, plante”.

Qui donnera à son tour l'irlandais luibh, et le gaélique écossais luibh, ce dernier reprenant les mêmes sens, plus un troisième, très (très) légèrement dérivé, celui de “mauvaise herbe”. 


Si je vous dis que le gaélique écossais eòlaiche désigne l'expert, le scientifique, vous en déduirez tout naturellement que luibh-eòlaiche désigne ... le botaniste !


Et si je vous dis que Jean le Baptiste se dit Eoin Baiste en irlandais, luibh Eoin Baiste“ signifiera... Allons, allons ... OUI, herbe de la Saint-Jean, autrement dit Hypericum perforatum, notre millepertuis, dit encore millepertuis perforé.


(source)



En vieux gallois, cette fois, nous apprécierons le métonymique luird, le jardin potager. 

D'où le 
- YESSS YESSS YESSS -
moyen gallois lluarth, resté tel quel en gallois, et désignant invariablement le jardin potager.

(source)


En vieux breton, enfin, l'étymon celtique *lubī/ā- s'est mué en -lub, -lob, d'où le moyen breton lou, et le collectif breton louzoù, “plantes, herbes, légumes, ou même plantes médicinales, d'où aussi remède, médicament, médecine ...


Nous parlions de lluarth, le jardin potager en gallois ?

Eh bien, l'équivalent breton en sera louzaoueg.

(source)


Et vous n'imaginez même pas la ch. euh le nombre de composés bretons créés sur le singulier de louzoù, louzaouenn...


Bon, allez, puisque vous insistez. Mais quelques-uns, seulement :
  • louzaouenn-al-laou, la dauphinelle, ou pied-d'alouette, 
dauphinelle
(source)

  • louzaouenn-an-daroued, petite chélidoine,
petite chélidoine
(source)



ou alors, tant qu'à faire, 
  • louzaouenn-an-daoulagad, grande chélidoine...
grande chélidoine
(source)


Louazaouenn-an-deñved ? le serpolet.

serpolet

Et

louzaouenn-an-draen, l'armoise...

armoise
(source)


Et ainsi de suite...

(et pardonnez-moi pour ce ô combien subtil rappel de la notion de jardin en breton, avec cette citation de Restif de La Bretonne en exergue...)



À côté donc du breton levrlivre”, simple emprunt au latin liber, nous trouvons un louzaouenn, plante”, descendant direct de notre *lubʰ-, peler (écorcer)”, et donc parfait cognat de liber...



Et voilà pour les dérivés celtiques de notre petite *lubʰ-...


racine indo-européenne *lubʰ-, peler (écorcer)” 
proto-celtique *lubī/ā-, “herbe, plante”
vieil irlandais luib, “herbe, plante”

irlandais luibh, “herbe, plante”, gaélique écossais luibh, “herbe, plante, mauvaise herbe”

---

proto-celtique *lubī/ā-, “herbe, plante”
vieux gallois luird, “jardin potager”

moyen gallois lluarth

gallois lluarth, “jardin potager”

---

proto-celtique *lubī/ā-, “herbe, plante”
vieux breton  -lub, -lob, plantes...

moyen breton lou, plantes...

collectif breton louzoù, plantesherbes, légumes, plantes médicinales, remède




On en restera là pour ce dimanche !

Mais dimanche prochain, on attaque les dérivés germaniques de *lubʰ-, je ne vous dis que ça...

Ceci dit, et tout à fait entre nous, vous auriez pensé, vous, que notre français livre avait une famille si riche, qu'il était à ce point proche du gallois lluarth, “jardin potager”, ou du breton louzoù, “plantes, remède...” ?

Et que le latin liber et le breton louzoù étaient cognats ?


C'est fou, non ?

Merci QUI ?

Ben oui, le proto-indo-européen, pardi !



Je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche, et une superbe semaine !

À dimanche prochain, 




Frédéric



PS: dans ces articles, les passages de texte en bleu, vous l'aurez compris, traitent d'éléments de linguistique.


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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom:
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…).
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Et pour nous quitter, 

la belle voix de la belle Nolwenn Leroy, 
dans cette célèbre chanson traditionnelle bretonne (une ronde à trois pas), 

Tri Martolod” (Trois matelots”)






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Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, Hein ? Vous pouvez par exemple...
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article suivant: C'est juste ! D'ailleurs, dans "fromage", il y a "mage".

dimanche 18 février 2018

ivre, le libraire livrait des livrets tôt et des librettos tard...




Cada libro, cada volumen que ves aquí, tiene un alma. El alma de la persona que lo escribió y de aquellos que lo leyeron, vivieron y soñaron con él.

(“Chaque livre, chaque volume que tu vois, a une âme. L'âme de celui qui l'a écrit et l'âme de ceux qui l'ont lu, ont vécu et rêvé avec lui)

La Sombra del Viento,

Carlos Ruiz Zafón

l'auteur espagnol Carlos Ruiz Zafón
(source)


Bonjour à toutes et tous !



Dites voir...  

Si, comme ça, là, en pleine figure, je vous lançais du duramen, de l'aubier, du cambium, du liber et - soyons fou - du phelloderme, mmmh ? 

Ça vous évoquerait quoi ?

Alors, je vous le dis tout de suite, ça n'a rien de sexuel.



Désolé, non.


Et ça n'a rien à voir non plus avec la marine, ou avec ce que vous trouvez au fond de votre oreille - surtout quand vous ne les lavez pas souvent, ou avec le monde des insectes, ou que sais-je encore. 

Non.

Il s'agit là, tout simplement, des éléments, ou plus exactement des couches constituant le bois de l'arbre.

Au centre, le duramen, du bois mort qui sert en quelque sorte de squelette à l'arbre.

Vient ensuite l'aubier, bois vivant, dans lequel circule la sève brute.

Autour de l'aubier, vous trouverez le cambium, couche très fine.

Autour du cambium arrive le liber, partie tendre et fibreuse, dans laquelle coule la sève élaborée.

Enfin, tout autour, en couche périphérique, le phelloderme, ce qu'on appelle communément ... l'écorce.

(J'ai repris ici les informations claires et limpides trouvées sur http://www.espritsdegoshin.fr/bonsai-pratique/cours-pratiques-de-bonsai/53-marcotte.html)



Et
- mais comme je vous connais ! -
à la question Oui, certes, mais encore ? que vous ne manquerez pas de poser, je vous répondrai nous n'allons pas vraiment parler d'arboriculture, non, mais nous intéresser plutôt à une de ces couches constituantes du bois de l'arbre, bien précise: le ... liber.



Le liber ! 

Nous savons que les Aztèques écrivaient leurs codex 
(précolombiens, leurs codex, évidemment ; je ne veux pas médire, mais vous avez déjà vu quelque chose de postcolombien de la part des Aztèques, mmh?)
sur du papier d'amate
- de l'espagnol papel amate, lui-même du nahuatl amatl): une sorte de papier, fabriqué à partir de fibres végétales, en usage dans les cultures mésoaméricaines -


papier d'amate
obtenu par battage du liber de ficus. 
Oh, et ils devaient aussi, vraisemblablement, avant de battre le liber, sacraliser le procédé, en pratiquant l'un ou l'autre rituel amusant comme arracher le coeur d'une vierge, ou noyer un enfant dans un lac sacré.
Et ils devaient probablement, à la fin du battage, jeter encore un ou deux prisonniers du haut de l'une ou l'autre Grande Pyramide pour remercier les Dieux d'avoir permis la bonne fin de l'opération.
codex aztèque
(source)


Nous savons aussi qu'avant d'utiliser le papyrus égyptien, les Romains se servaient du liber de différents arbres, tels que l'érable, le platane et le tilleul, pour confectionner des supports à leurs écrits.

Et ce qui est marrant, c'est que les Romains appelaient le liber, liber !
Liber, et au génitif, librī.


Ah, le liber...   

Extrait des Géorgiques, de Virgile (II, 77) :
Géorgiques dont nous traitions de l'étymologie ici: Et du côté de Tbilissi, on élève des moutons, non ? il y a quelques mois.
Nec modus inserere atque oculos imponere simplex nam qua se medio trudunt de cortice gemmae et tenuis rumpunt tunicas, angustus in ipso fit nodo sinus; huc aliena ex arbore germen includunt udoque docent inolescere libro.
(“Car, à l’endroit où des bourgeons sortent du milieu de l’écorce et en crèvent les tuniques légères, on fait dans le nœud même une entaille étroite, et l’on y introduit une pousse prise à un arbre étranger, qu’on apprend à se développer dans le liber humide.”)

Le latin liber, librī, a donc, originellement, désigné euh... le .... liber
Ce n'est que plus tard, par métonymie, qu'il en viendra à désigner le livre.
Notre français livre, amis lecteurs, est un emprunt du début du XIème au latin liber, et qui en a conservé ce sens métonymique.

Quant au sens premier du latin liber, il se retrouve toujours

- vous n'en reviendrez pas -
dans cet autre emprunt, savant, et du milieu du XVIIIème, le terme botanique français ... liber, tissu conducteur de sève, réfection - ici, retour au mot latin original - de livre ! 


Le sujet de ce dimanche, point de départ à une nouvelle saga indo-européenne, ce sera, vous l'aurez peut-être déjà deviné, le français... livre !

Oh, je ne veux surtout pas insister, mais on passe si vite des scripta qui restent aux verba qui s'envolent, et sachez que ...
... nous avions consacré une longue série d'articles au thème Langue / mot / Parole,  
du 4 janvier 2015, avec Zorro, Dingo et Fredo vous souhaitent une très bonne année!  
au 12 avril 2015, avec des pâtes, des pâtes, oui mais des pâtes


Bon, c'est pas tout ça, livre !

Ce thème m'a ENCORE été soufflé par une lectrice qui se reconnaîtra ENCORE !
Et que je remercie, évidemment ....




Livre, du latin liber.

Mais... d'où qu'i v'nait, le latin liber ? Mmmh ?

Du proto-italique (non attesté) *lufro-.

Et *lufro-, OUI !, découle d'une forme proto-indo-européenne... 
- du moins, c'est comme cela que la retranscrit Michiel de Vaan dans son Etymological Dictionary of Latin and the other Italic Languages (Leiden Indo-European Etymological Dictionary Series) -
*lubʰ-ro-“feuille, écorce”, 

vraisemblablement créée sur la racine *lubʰ-, peler (écorcer)



Autrement mis:

racine indo-européenne *lubʰ-, peler (écorcer)” suffixée en -*ro-

*lubʰ-ro-“feuille, écorce 

radical proto-italique *lufro-
latin liber, “écorce, livre”

emprunt
français livre (fin XIème)
réfection de livre / emprunt savant au latin liber
français liber, “tissu conducteur de sève” (milieu XVIème)




Citons encore quelques mots construits sur livre, ou liber...

Livret, circa 1200, quand même : “petit livre, carnet”, qui s'emploiera surtout, dès la fin du XVIIème, avec la valeur de “registre” (livret militaire, livret de caisse d'épargne, livret de famille ou de mariage...)


Notons aussi que livret remplace à présent libretto, emprunt de la langue musicale du début du XIXème à l'italien libretto“petit livre”, et attesté au sens de “livret d'opéra depuis le XVIIIème. 
libretto d'Aïda, de Verdi, pour le “Met.”

Mais on continue malgré tout à parler de librettiste pour désigner l'auteur d'un livret d'opéra...



Livresque:

Fin du XVIème, nous le devons à Montaigne, qui l'a introduit avec sa valeur péjorative. 
Il tomba dans l'oubli, pour renaître, au XIXème, dans des expressions comme “culture livresque”.


N'est-ce pas un peu présompteux ?
Je préfèrerais, plutôt que “c'est”, “ça devrait être”.


Le bien plus récent ex-libris a été formé dans la première moitié du XIXème sur l'ablatif pluriel de liber (“libris”, pour les moins bien lotis en neurones d'entre nous), et signifie proprement (qui fait partie) des livres (de quelqu'un)”.

Il désigne d'abord une simple mention, une formule apposée par quelqu'un sur un livre, indiquant qu'il en est le propriétaire. 
Ensuite, une image, une gravure que le propriétaire du livre appose sur sa page de garde.

superbe ex-libris pour Tevan Rezső par Kálmán Rozsnyay
(1871-1948) - circa 1905


Diminutif du latin liber, le latin libellus“petit livre”, mais aussi pamphlet, mémoire, que la langue juridique empruntera fin du XIIème sous la forme libel, libelle, dans le sens de “requête écrite présentée par le demandeur.

De son sens juridique, le mot est passé vers la moitié du XVème dans le langage littéraire, pour désigner un écrit court et diffamatoire


Notons que l'anglais juridique libel est un emprunt à notre ancien français libelle, et désigne toujours la diffamation (par écrit), ou un écrit diffamatoire.

les méprisables tabloids anglais ont fait du libel un véritable
art de vivre...
(source)


Quant à lui, notre verbe libeller nous permet encore, derrière son sens moderne (1796) de “rédiger, formuler” de retrouver son origine juridique, où il signifiait précisément “rédiger dans les formes légales ou requises”...



Libraire !

Le latin connaissait l'adjectif librarius, “relatif au livre”.
Substantivé, librarius désignera un copiste, ou plus tard, en latin impérial, quelqu'un qui fabrique et vend des livres.

L'ancien français l'a emprunté fin du XIIIème, pour faire libraire.

Avant l'apparition de l'imprimerie, il désignera un auteur de livres, ou toujours un copiste (de manuscrits, forcément).

Mais à partir de la fin du XVème, avec l'invention de techniques d'impression et la transformation du marché du livre qu'elle engendre, on commencera à utiliser libraire dans son sens moderne de “marchand de livres”.


Un célèbre libraire, celui de Notting Hill
(Hugh Grant, dans Notting Hill, 1999)
(source)
le “vrai” magasin 

Faut-il le dire, librairie est lui aussi un emprunt (1365, liberarie) au latin.
Plus exactement au latin impérial libraria, bibliothèque”.

C'est d'ailleurs sous ce sens qu'il sera utilisé jusqu'au XVIIème, où il sera alors supplanté par bibliothèque, pour ne plus désigner que le commerce des livres, sous l'influence de libraire.


Eh ! L'ancien français librairie est lui, par l'anglo-normand librarie, passé au moyen anglais librarie, devenu l'anglais library (XIVème), qui lui, a bien conservé son sens initial de bibliothèque...


The long Room, The Old Library, Trinity College, Dublin

C'est là que vous trouverez le Book of Kells,
que vous pouvez même aujourd'hui consulter en ligne !
ICI
(source de l'illustration)


The Book of Kells, en ligne


Le latin liber, bien sûr, n'a pas été repris qu'en français !

Un livre, ça peut s'emprunter. 


(source)

Le phénomène avait déjà commencé avec liber, qui a été emprunté dans une pléthore de langues romanes... 
Bah, citons (entre autres):
  • l'aragonais libro,
  • le dalmate lebro, 
  • les portugais livro, libro, 
  • l'italien libro, 
  • le lombard libar, liber, libru, 
  • l'istriote leîbro (l'istriote, à ne pas confondre avec l'istrien, est un dialecte roman parlé sur la côte sud de l'Istrie (en Croatie actuelle),
  • l'espagnol libro...
... mais aussi ailleurs, en basque ou dans les langues celtiques...
avec...
  • le basque liburu,
  • le cornique lyver,
  • le breton levr,
  • le manois lioar,
  • l'irlandais ou gaélique écossais leabhar (qui devrait se prononcer plus ou moins  laouge”),
  • et le gallois llyfr (imprononçable, ne cherchez pas, ou alors, essayez de dire - sans garantie - chèveur”, mais avec un solide cheveu sur la langue)




PS: pour l'étymologie de libre, liberté, livrer, voyez Amazon vient de me livrer "Deliverance", de Boorman. Génial.


Et voilà pour ce dimanche !

Dimanche prochain, la suite...

Où nous verrons d'autres dérivés de notre indo-européenne *lubʰ-, peler..., dans d'autres langues, je n'en dirai pas plus...





Je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche, et une très belle semaine !

À dimanche prochain ?

D'ici là, portez-vous bien !




Frédéric





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c’est TOUS LES JOURS dimanche…).
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Et pour nous quitter, 

Une version orchestrale du célèbre 
menuet en sol majeur BWV 841, du 
Petit livre d’Anna Magdalena Bach, 
(Clavier-Büchlein vor Anna Magdalena Bach)

- et non pas le petit levre d'Anna Magdalena Bach,
comme j'ai pu le lire sur Youtube
(et pourquoi pas alors “Les petites lèvres d'Anna Magdalena Bach,
 tant qu't'y étais, mon pt'tit gars?) -,

cadeau de Bach à sa seconde épouse (je vous laisse deviner son prénom).

Cette version est intéressante pour la distinction et l'appréciation des voix
si essentielle dans l'écoute de la musique de Bach. 

Jouées par un orchestre, les deux voix de ce morceau simpliste ont été allouées à un instrument différent (1ère voix, violons, 2ème voix, clavecin) 





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