- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 9 juin 2013

Namasté, nomade économe !





"Toute chose est nombre."

Pythagore


"Dieu a tout réglé avec mesure et avec nombre."

La Bible


"ABC 
Easy as
one, two, three 
Or simple as
Do re mi 
ABC, one, two, three, baby, you and me!"

The Jackson 5



Bonjour à tous !

Bon là, on arrête avec les champignons, mousses et autres fungi (voir ici, ou , ou encore ici)…


Et on passe au premier chapitre de ce qui va devenir une nouvelle saga.

Ta Ta !

Un grrrrand sujet qui va nous occuper (en fait surtout moi) quelques dimanches…!


J'en avais l'idée en tête depuis belle lurette, et puis, mon ami François, mon vieux pote (ah, c'est quand même à l'unif qu'on s'est connus !), lui qui m'avait initié à la Margarita et à Douglas Adams, et à qui je dois des soirées mémorables autour des Monty Python et autres monuments de l'humour, me l'a suggéré il y a peu.


Arthur "Two Sheds" Jackson


Margarita


Alors, ce grand sujet, le voici : les nombres.
Ou, pour être précis, l'étymologie des noms utilisés pour les euh… nommer.


Juste un préambule : ne confondons pas nombres et chiffres.
Les nombres, ce sont des concepts permettant d'évaluer, de comparer ; ils s'appliquent à des grandeurs, des quantités… 
Les chiffres, quant à eux, ne servent qu'à écrire ces nombres. Il s'agit seulement de symboles utilisés pour les retranscrire
Pour l'anecdote, chiffre provient non pas du proto-indo-européen, mais bien de l'arabe : صفر, ṣifr : "vide".
Le vide ?? 
Et oui : à l'origine, le mot ne désignait que le zéro, mais par métonymie, il en est venu à désigner tous les euh … chiffres arabes.  
Qui, avant, n'étaient pas vraiment des chiffres, si vous me suivez, puisqu'ils étaient, en numérotation latine, des lettres capitales. 

Et puis, encore une petite mise au point :
NON, ce ne sont pas les Arabes qui ont inventé le zéro.  
Ce qui me permet d'en remettre une couche avec mon dada du dimanche :
Le concept du zéro était déjà utilisé par la pensée mathématique indienne. Je cite ici Wikipedia :
 
Les chiffres de 1 à 9 ont été inventés en Inde. Ils apparaissent dans des inscriptions de Nanaghat au IIIème siècle av. J.-C..
La numération de position avec un zéro (un simple point à l’origine), a, elle, été développée au cours du Vème siècle.
Dans un traité de cosmologie en sanskrit de 458, on voit apparaître le nombre 14 236 713 écrit en toutes lettres.
On y trouve aussi le mot “sunya” (le vide), qui représente le … zéro.
C’est à ce jour le document le plus ancien faisant référence à cette numération.

Zéro


Bon, et "nombre" alors ? D'où qu'i nous vient, lui, le mot "nombre" ? Hein hein ???

YESSS ! Nombre nous arrive d'une racine proto-indo-européenne :

*nem-

*nem- ne désignait pas, comme vous pourriez le croire, le numéro 4, juste après le potage tom yam, mais véhiculait plutôt l'idée d'assigner, de répartir, de distribuer
De "prendre" aussi.

*nems*


Vous allez voir, vous risquez d'être surpris par ce que *nem- nous a légué…


Alors, oui, le néerlandais nemen ou l'allemand nehmen : prendre viennent de là, par le vieux haut-allemand nëman : prendre, issu du germanique *neman.

En anglais il y avait encore le verbe to nim : prendre, à présent désuet.

Mais en revanche nous trouvons toujours l'anglais nimble : agile, vif, alerte
Le rapport ?
Nimble qualifie celui qui est apte à prendre, "qui prend" - entendez saisit - rapidement
C'est aussi celui qui ap-prend vite.


En grec, la racine proto-indo-européenne *nem- s'est muée en νείμειν, nemein : répartir, assigner, distribuer


Connaissez-vous Némésis, dérivé de nemein ?

Dans la mythologie grecque, Némésis (en grec ancien Νέμεσις, Némesis) était l'esprit de la juste rétribution divine, la déesse de la juste colère des dieux, parfois assimilée à la vengeance.

En ce sens, nemein signifiait "le don de ce qui est dû".
En d'autres termes: "tu l'avais cherché".

Némésis


Distribuer, assigner, répartir (les tâches, l'argent ou les biens, la nourriture…), cela correspond, sur un plan domestique, à administrer sa maison, sa maisonnée.

Gestion de la maison  : housekeeping

La gestion de la maison, en grec ancien, c'était οἰκονομία, oikonomía, que l'on pourrait traduire littéralement par "la loi de la maison", mot composé de οἶκος, oîkos ("ce qu'on a", "les ressources", "la maison", donc) et νόμος, nómos ("allocation", "gestion", d'où "usage", "loi"), nómos étant construit sur nemein.

En latin, le mot devint oeconomia, pour finalement devenir le français économie

Situation macroéconomique en Espagne.
Mais à mon avis on peut généraliser...

Le grec nómos signifiait ainsi portion, usage, loi, division, district


Le Deutéronome, dans la Bible, c'est littéralement la seconde loi.

Celle ajoutée par Moïse à la suite de la première.



Nous retrouvons notre racine *nem-, désignant ainsi la loi, dans le suffixe français -nome, -nomie, présent dans une foule de mots: astronome, métronome, autonome, agronome, ou encore antinomique


La monnaie n'a de sens que si tout le monde l'accepte, lui attribue une valeur unique, si son usage devient règle, loi.
La monnaie, ou la coutume, la règle, en grec ancien, c'était le même mot : νόμισμα, nómisma, toujours basé sur nómos.

Et oui, on retrouve nómisma, via le latin nummus, numisma, dans le français numismatique : relatif à la monnaie et aux médailles.


Par une forme suffixée *nem-os, la racine proto-indo-européenne *nem- nous a également donné namasté, salutation largement utilisée en Inde ou au Népal (elle s'est même exportée jusqu'au Japon).

Namasté नमस्ते  signifie "salutation" ; namaskar ( नमस्कार) a quant à lui une signification plus religieuse (littéralement "Je salue – ou je m'incline – devant votre forme").

Namasté dérive du sanskrit, et est en réalité la combinaison de deux mot s: "Namaḥ" et "te."
Namaḥ signifie "le salut", "l'obéissance", et te signifie simplement "à toi, envers toi" : c'est le datif de "toi".

Namasté signifie donc littéralement "salutation à toi".

Be seeing you - Bonjour chez vous


Alors, ben oui, Namah, vous vous en doutez, provient de *nem-.

Le rapport entre le salut, l'obéissance et "distribuer, répartir, allouer…" ?
S'incliner devant quelqu'un, lui obéir, c'est reconnaître à cette personne ce qu'elle vaut, et lui donner en conséquence (ou encore plus fort, lui rendre) ce qui lui est dû. Eh.

Mais quel respect de l'autre derrière cet usage…!

Namasté


Mais revenons, si vous le voulez bien, au grec ancien :

Un pâturage provenait de la division des terres en champs.
Diviser ? Mais oui, c'est toujours nemein, issu de *nem-.

Le pâturage, c'était nomē.
Et νομάς, nomás, c'était celui qui errait à la recherche d'un… pâturage.

Oui, nous lui devons... nomade !!!


Et puis, bon, je vais quand même en parler...

Probablement par une forme suffixée au timbre o : *nom-eso, notre racine proto-indo-européenne dominicale *nem- nous a donné nombre, numéral, numérique, énumérer, par le latin numerus : le nombre, la division.


Si maintenant nous faisons un pas de recul et contemplons tous ces dérivés antiques de *nem-, nous comprenons mieux la vision du monde qu'avaient les Anciens.

- Uh ??
- Bonjour. Oui, j'explique.

Pour nous,

1 + 1 = 2

On est tous d'accord, hein ?
Ca va de soi non ?

Et pourtant, pour nos lointains ancêtres, additionner de la sorte devait probablement sembler aberrant.

Car "avant tout", il y avait l'Unité. Le Grand TOUT, le UN primordial.
La divinité, quoi, pour les mal-comprenants.

Duquel tout découlait. Tout, tous, toutes en faisaient partie.

Donc, 2 n'était certainement pas l'addition de 1 + 1, totalement impossible, mais bien sa division.
Deux n'était que le fruit de la création, de la division de Un.
Tout comme une cellule, en se divisant, en forme deux.


1 = 2 + 2 



Et nous retrouvons derrière cette vision du nombre la cohérence mathématique que nos ancêtres percevaient dans l'Univers, où tout était à sa place, où, finalement vous receviez ce qui vous était dû - en mal ou en bien.






Bon dimanche à toutes et tous - mais qu'est-ce qu'il fait beau ici, j'espère que vous êtes sous le même soleil !! -, bonne semaine et…

A dimanche prochain !





Frédéric

9 commentaires:

Anonyme a dit…

to Nim, c'est même plutôt voler, piller :-)
but the beginnig is quite discombobulated :-)
cheers

Frédéric Blondieau a dit…

Mais au moins, l'OpenID fonctionne! :-))
Cheers!

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

All about zero (the math side): http://sco.lt/77e50T

LeScrat a dit…

Quel hasard ! Voici la traduction partielle d'un extrait du polard (de Paolo di Stefano) entamé hier soir (entamé le livre, entendons-nous bien!):

"Si un plus un font deux, (..) les cailloux avaient servi d'objets contondants (..)Si en revanche un et un font trois, alors les pierres, le sang et le béret se trouvaient là par l'effet d'une extraordinaire coïncidence (..) Mais nous savons tous que l'arithmétique n'est pas une opinion"

On *nem ou on *nem pas... Mais en tous cas, quand on aime, on ne compte pas !!!

Bon dimanche et bonne fête aux "*pəter-" !!!

Fred RENN fʁɛd ʁɛn a dit…

Namaskaram à vous cher Frédéric, à dimanche prochain

Frédéric Blondieau a dit…

Grand merci!
J'apprécie beaucoup votre blog!!

Bien à vous,
Frédéric

(il doit y avoir quelque chose dans le prénom, non? ;-))

Frédéric Blondieau a dit…

Toujours très très forts tes commentaires! Quand vas-tu enfin nous pondre un blog??? ;-)

PS Incidemment, je ne crois pas aux coïncidences...
De même que comme tous les capricornes, je ne crois pas aux signes astrologiques.

LeScrat a dit…

Merci Fred ! Mais entre commenter en laissant mon intuition vagabonder (nomader n'existant pas) et pondre un blog ... Il y a un monde que je ne saurais franchir.
Et puis si "pondre" (to lay, leggen, poner, deporre etc.) est lié à "ponente" ou "ponant" çàd là-ou le soleil se couche, il y aurait comme une sorte d'anti.."nomie" très personnelle.
C'est vrai, bon "nombre" de vierges folles passent pour être à l'ouest ;-) mais tout de *nem !

Quant au "al-zhar", ké chance, il fait souvent bien les choses y compris pour les athées. Dieu merci !

Salutations ! Salutamm' ! Bacio le mani ! (à l'origine grand signe de respect)

PS. avis aux nomades: Pâturages c'est près de Mons (B)